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Burundi : Monseigneur Nyaboho nommé président de la CNIDH, entre espoirs et inquiétudes

SOS Médias Burundi

Bujumbura, 6 mai 2025 – L’Assemblée nationale a validé ce lundi la désignation de sept nouveaux commissaires à la tête de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH). La nomination de Monseigneur Nyaboho comme président suscite de vives interrogations, alors que la commission, longtemps critiquée pour son manque d’indépendance, avait difficilement regagné son statut A.

L’Assemblée nationale du Burundi a approuvé la nomination des nouveaux membres, marquant une nouvelle ère pour une institution en perte de crédibilité ces dernières années. À sa tête, Monseigneur Martin Blaise Nyaboho, évêque anglican du diocèse de Makamba (sud du Burundi), qui prendra sa retraite ecclésiastique en août prochain.

Cette nomination intervient dans un contexte de profonde remise en question de l’indépendance de la CNIDH. Déjà rétrogradée au statut B par les Nations Unies, la commission avait difficilement retrouvé son statut A grâce à des efforts de restructuration, aujourd’hui mis à mal par une recomposition précipitée. La démission collective des anciens commissaires, sur fond de désaccords internes, a en effet déclenché cette nouvelle désignation.

Parmi les 21 candidats initialement en lice, sept ont été retenus. Monseigneur Nyaboho a été élu président avec 93 voix sur 114 (81,5 %). Gérard Rugerintwaza a été désigné vice-président et Béatrice Nkurunziza secrétaire. Les autres membres sont le Dr Jean Bosco Manirambona, l’ambassadeur Issa Ntambuka, Gloriose Nimenya et Dyna Ndayumvire. L’équipe est composée de quatre Hutus et trois Tutsis, un équilibre ethnique que les autorités présentent comme un gage d’inclusivité, même si les critiques pointent un manque de diversité d’opinions et de parcours en matière de droits humains.

Dans son discours, le président de l’Assemblée nationale, Daniel Gélase Ndabirabe, a exhorté les nouveaux commissaires à restaurer la confiance et à placer les droits humains au centre de leur action. Il a réitéré l’engagement du Parlement à accompagner la CNIDH dans l’exécution de ses missions.

Un passé controversé qui divise

À Makamba, la désignation de Monseigneur Nyaboho est loin de faire l’unanimité. S’il jouit d’une notoriété en tant que chef religieux, son parcours inquiète. Sa proximité supposée avec le CNDD-FDD, parti au pouvoir, et certaines de ses prises de position passées alimentent les doutes sur sa capacité à incarner une CNIDH indépendante.

En 2015, alors qu’il présidait la Commission Électorale Provinciale Indépendante (CEPI) de Makamba, il avait vivement critiqué les parents de deux adolescents tués lors des manifestations contre un mandat controversé de feu président Pierre Nkurunziza.
« Ces enfants qui affrontent la police ne méritaient que ça », avait-il déclaré lors d’une messe, suscitant l’indignation.

En 2019, il avait soutenu les contributions forcées des citoyens pour financer les élections de 2020, recommandant de priver de services ceux qui refusaient de payer.

Défis et attentes

Malgré ces zones d’ombre, certains habitants de Makamba espèrent que Monseigneur Nyaboho saura faire preuve d’impartialité. Son mandat débute alors que la CNIDH doit regagner la confiance d’une population souvent livrée à elle-même face aux violations des droits humains.

Pour les observateurs, le défi est immense. Le départ précipité de l’ancien président de la CNIDH, contraint à l’exil avec sa famille, et les pressions politiques pesant sur l’institution témoignent de la fragilité de l’espace civique burundais.

Un défenseur des droits humains basé à Bujumbura, où se concentrent les agences des Nations Unies et l’administration centrale, estime que « l’on ne peut pas attendre grand-chose de cette équipe, car ses membres n’ont pas un background dans le domaine de la protection des droits humains ». « Mais c’est justement ce qu’on leur demande : protéger les droits humains et opérer en toute indépendance. »

La petite nation de l’Afrique de l’Est reste sous la vigilance de la communauté internationale, qui attend des actes concrets de la nouvelle équipe pour démontrer son engagement en faveur de la dignité humaine.

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Photo : Monseigneur Martin Blaise Nyaboho, nouveau président de la CNIDH