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Burundi : des voyageurs refoulés à la frontière de Kobero pour des passeports cachetés par le M23

SOS Médias Burundi

Muyinga, 6 mai 2025- Des dizaines de citoyens burundais se retrouvent bloqués depuis plusieurs jours à la frontière de Kobero, en province de Muyinga (nord-est du Burundi) , entre le Burundi et la Tanzanie, après avoir vu leurs documents de voyage confisqués par les services de l’immigration. En cause : un simple cachet apposé sur leurs passeports par le mouvement armé M23, qui contrôle actuellement plusieurs localités stratégiques dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), dont Goma et Bukavu, les chefs-lieux des provinces du Nord-Kivu et Sud-Kivu, une région très riche en minerais.

Il s’agit des documents jugés « suspects ».

Les voyageurs concernés, majoritairement des commerçants et des camionneurs en provenance de RDC, affirment avoir transité par des zones aujourd’hui sous l’autorité du M23. À leur arrivée à Kobero, leurs passeports portant le cachet du mouvement rebelle ont été immédiatement saisis, sans explication officielle. Certains passagers ont été purement refoulés, tandis que d’autres sont retenus sans pouvoir franchir la frontière.

« Ils ont pris mon passeport, m’ont dit de m’écarter et ne m’ont rien expliqué. Je suis ici depuis deux jours, je dors dehors », témoigne un jeune commerçant de Bujumbura, la capitale économique du Burundi où sont concentrées les agences des Nations-Unies et l’administration centrale.

Des traitements inégaux ?

Les voyageurs dénoncent une application discriminatoire des règles : les Congolais et d’autres étrangers détenteurs de documents similaires ont été autorisés à poursuivre leur chemin sans entrave. « Pourquoi seuls les Burundais sont traités de cette manière ? », s’indigne une passagère, qui dit avoir traversé la frontière burundo-congolaise de Gatumba sans aucun problème quelques jours plus tôt.

Contexte militaire tendu et soupçons de sécurité

Cette situation survient dans un climat de tensions régionales croissantes. Depuis plus d’un an, l’armée burundaise est engagée aux côtés des Forces armées de la RDC (FARDC) contre le M23, dans le cadre d’une coopération militaire renforcée. Le président Évariste Ndayishimiye a à plusieurs reprises qualifié le M23 de « groupe terroriste » soutenu par le Rwanda, et dénoncé ses actions comme une menace pour la stabilité de la région.

Selon des sources proches de la sécurité à Kobero, certains passagers refoulés sont soupçonnés — sans preuves rendues publiques — d’avoir des liens avec le mouvement armé burundais Red-Tabara, ou d’être en possession d’informations sensibles concernant la présence militaire burundaise sur le sol congolais. Une partie de ces craintes serait liée à la crainte de fuites vers Kigali, dans un contexte de tensions persistantes entre Bujumbura et le régime rwandais.

Transport paralysé et pertes financières

La mesure ne touche pas que les passagers individuels. De nombreux camionneurs burundais sont aussi concernés. Ils sont immobilisés à Kobero, contraints de payer des frais de stationnement imprévus.

« On nous empêche de livrer nos marchandises, on perd de l’argent chaque jour. C’est intenable », déplore un chauffeur.

Billets de bus perdus, denrées périssables abandonnées, contrats annulés : les répercussions économiques sont déjà visibles. Des passagers exigent des explications officielles et appellent à une indemnisation des pertes subies.

Une situation confuse et des voix qui s’élèvent

Alors que l’administration garde le silence, des défenseurs des droits humains appellent à plus de transparence et à une gestion respectueuse des droits des citoyens.

« Aucun Burundais ne devrait être privé de mouvement ou de ses documents officiels sans fondement juridique clair », estime un avocat contacté par SOS Médias Burundi.

En attendant une clarification officielle, le flou demeure à Kobero, au détriment de citoyens pris au piège entre enjeux géopolitiques et soupçons sécuritaires.

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Photo : la frontière de Kobero où plusieurs voyageurs sont refoulés pour des passeports cachetés par le M23 © SOS Médias Burundi