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Bubanza : drame passionnel meurtrier entre policiers, la police burundaise sous le feu des critiques

SOS Médias Burundi

Dans la nuit du 29 avril 2025, un policier a abattu son collègue et une jeune femme avant de se donner la mort, dans un bar de Bubanza. Le mobile : une rivalité amoureuse entre hommes en uniforme. L’affaire relance les critiques sur l’impunité policière au Burundi.

Un triple homicide sur fond de passion amoureuse secoue la province de Bubanza. Dans la nuit du 29 avril, un policier a abattu son collègue ainsi qu’une jeune servante avant de retourner l’arme contre lui-même, dans un acte de violence qui met une fois de plus en lumière les graves dérives au sein des forces de l’ordre burundaises.

Les faits se sont déroulés vers 22 heures au bistrot « New Star », un établissement situé à quelques centaines de mètres du bureau provincial, à proximité du palais présidentiel de Bubanza. Selon les témoignages recueillis, Jean Claude Bizimana, surnommé « Kirenge », policier en service et vêtu de son uniforme, a ouvert le feu sur son collègue Égide Bashirahishize, alias « Vubi », garde du corps du commissaire provincial. Ce dernier aurait été visé à la suite d’une dispute amoureuse portant sur Léa Nijimbere, une jeune employée du bistrot que les deux hommes convoitaient.

Léa, qui s’apprêtait à épouser Égide après avoir décliné les avances d’un autre policier, Jean Bosco, a également été touchée par balle alors qu’elle partageait un verre avec son fiancé. Transportée d’urgence à l’hôpital de Bubanza, elle a succombé à ses blessures quelques heures plus tard. Peu après les faits, l’auteur des tirs, Kirenge, s’est suicidé en se tirant une balle dans la tête. Bilan : trois morts en l’espace de quelques minutes.

Le drame s’est produit sous les yeux impuissants de la Garde républicaine, chargée de la sécurité du palais voisin, arrivée trop tard pour empêcher la tragédie. La scène macabre s’est déroulée dans un lieu public, en présence d’un agent en uniforme, malgré l’interdiction formelle de porter des armes ou des tenues militaires dans les buvettes – une mesure pourtant régulièrement bafouée au Burundi.

Le bistrot « New Star », fréquenté aussi bien par les civils que par les forces de sécurité, avait déjà fait l’objet de critiques en raison de son emplacement stratégique et du manque de contrôle sur ses visiteurs. À la suite de l’incident, l’administrateur communal de Bubanza a ordonné sa fermeture définitive le lendemain, 30 avril, pour des raisons de sécurité. Le lieu, propriété de la commune mais géré par des locataires privés, est désormais considéré comme une menace potentielle pour la sécurité des institutions locales.

Au-delà de l’onde de choc locale, cette affaire ravive les inquiétudes autour des comportements déviants observés au sein de la police burundaise. À plusieurs reprises, des citoyens ont dénoncé des abus de pouvoir, des actes de violence, des extorsions ou encore des règlements de compte perpétrés par des policiers. Dans un grand nombre de cas, ces plaintes n’aboutissent à aucune sanction concrète, nourrissant un sentiment d’impunité et d’injustice.

Le meurtre de Léa Nijimbere, victime innocente d’une rivalité entre agents de l’ordre, a profondément choqué l’opinion locale. Dans les rues de Bubanza, les habitants, encore sous le choc, évoquent avec amertume ce proverbe populaire : « Uzomenya ko umugore ari rwawe mwaryamanye biciye mumategeko » – « Tu sauras qu’une femme est tienne le jour de votre mariage selon la loi », allusion amère à l’avenir brisé de la jeune femme.

Ce drame sanglant, intervenu dans un contexte déjà tendu, appelle des réponses claires et fermes de la part des autorités burundaises. Alors que les forces de sécurité sont censées garantir la paix et la protection des citoyens, ce nouvel épisode illustre au contraire leur rôle parfois dangereux dans la société. Il est urgent de mettre fin à la culture d’impunité, de renforcer la discipline dans les rangs policiers et de faire respecter strictement les lois en vigueur.

Les familles des victimes pleurent leurs morts. La population, elle, attend des actes. Des réformes profondes s’imposent pour restaurer la confiance entre les forces de l’ordre et les citoyens burundais. Il en va de la crédibilité de l’État et de la sécurité publique dans un pays encore marqué par des tensions latentes.

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Photo : Le bar New Star dans le chef-lieu de Bubanza où le triple meurtre s’est produit © SOS Médias Burundi