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Crise dans l’Est de la RDC : Washington relance le dialogue entre la RDC et le Rwanda, Bruxelles renforce son engagement diplomatique

Au milieu, le secrétaire d’État américain Marco Rubio entouré par les ministres Kayikwamba et Nduhungirehe, crédit photo le compte X de Marco Rubio

SOS Médias Burundi

Bujumbura, 26 avril 2025- Sous l’égide du secrétaire d’État américain Marco Rubio, une rencontre d’importance a eu lieu ce 25 avril à Washington entre Thérèse Kayikwamba Wagner, ministre des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo (RDC), et Olivier Nduhungirehe, ministre rwandais des Affaires étrangères. Cette réunion discrète marque une tentative de relance du dialogue direct entre Kinshasa et Kigali, au moment où les tensions régionales, exacerbées par la crise dans l’est de la RDC, suscitent une inquiétude grandissante au niveau international. Pendant que Washington tente de rouvrir les voies diplomatiques, la Belgique intensifie également son action dans la région. Le vice-Premier ministre belge et ministre des Affaires étrangères, Maxime Prévot, effectue une tournée en Ouganda, au Burundi et en RDC du 25 au 29 avril.

Selon plusieurs sources diplomatiques, les discussions ont été « franches mais constructives ». Marco Rubio, qui a personnellement supervisé les échanges, a salué « un premier pas nécessaire » vers la réduction des tensions. La médiation américaine insiste pour que ce canal de dialogue soit maintenu et renforcé afin d’éviter une escalade militaire.

La RDC accuse depuis plusieurs mois le Rwanda de soutenir militairement le mouvement rebelle M23, actif dans les provinces du Nord-Kivu et Sud-Kivu. De son côté, Kigali nie toute implication directe et accuse Kinshasa de collaboration avec les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé rwandais hostile au gouvernement de Paul Kagame, constitué de génocidaires Hutus.

Cette rencontre survient alors qu’une trêve a récemment été conclue entre Kinshasa et l’Alliance Fleuve Congo, un mouvement politico-militaire auquel le M23 est affilié, sous médiation du Qatar. Toutefois, la situation sur le terrain reste très volatile, avec des affrontements sporadiques qui continuent d’alimenter la crise humanitaire. Plus de 7 millions de personnes sont désormais déplacées à l’intérieur du territoire congolais, selon les Nations Unies.

Pendant que Washington tente de rouvrir les voies diplomatiques, la Belgique intensifie également son action dans la région. Le vice-Premier ministre belge et ministre des Affaires étrangères, Maxime Prévot, effectue une tournée en Ouganda, au Burundi et en RDC du 25 au 29 avril.

Des responsables de l'Alliance Fleuve Congo et du M23 dans une conférence de presse à Goma, chef-lieu du Nord-Kivu contrôlée par les rebelles du M23 depuis le 27 janvier 2025 © SOS Médias Burundi
Des responsables de l’Alliance Fleuve Congo et du M23 dans une conférence de presse à Goma, chef-lieu du Nord-Kivu contrôlée par les rebelles du M23 depuis le 27 janvier 2025 © SOS Médias Burundi

À travers cette mission, Maxime Prévot entend porter un message fort en faveur du respect de l’intégrité territoriale de la RDC, du désarmement des groupes armés et de la promotion des droits humains. Il doit également rencontrer les autorités locales, la société civile ainsi que les acteurs humanitaires, afin de réévaluer l’engagement belge sur le terrain. Une visite à Kigali n’est pas prévue, en raison de la rupture des relations diplomatiques décidée par le Rwanda en mars dernier.

Dans ses rencontres, le chef de la diplomatie belge rappelle que « la paix dans les Grands-Lacs passe nécessairement par un dialogue sincère, un arrêt des violences et une lutte contre l’impunité », insistant sur le fait que la Belgique n’a aucun agenda caché, mais œuvre uniquement pour une solution durable basée sur le respect du droit international.

Un frémissement diplomatique, mais de nombreux obstacles subsistent

La rencontre de Washington entre Thérèse Kayikwamba Wagner et Olivier Nduhungirehe constitue sans conteste un tournant, après des mois d’escalade verbale et militaire entre la RDC et le Rwanda. Pour la première fois depuis longtemps, les deux parties acceptent de s’asseoir à la même table sous médiation internationale, marquant la reconnaissance implicite que la crise régionale ne pourra être résolue que par le dialogue.

Des hommes enterrent une victime des affrontements armés de Mweso au Nord-Kivu dans un cimetière local, le 26 janvier 2024 © SOS Médias Burundi
Des hommes enterrent une victime des affrontements armés de Mweso au Nord-Kivu dans un cimetière local, le 26 janvier 2024 © SOS Médias Burundi

À court terme, cette initiative pourrait permettre :

La réouverture d’un canal de communication direct entre Kinshasa et Kigali, minimisant ainsi le risque d’incidents militaires majeurs à la frontière.

La préparation d’une médiation plus large incluant d’autres acteurs régionaux, pour encadrer les engagements mutuels et soutenir les processus de désarmement.

Un isolement progressif des groupes armés bénéficiant jusque-là de soutiens politiques ou militaires plus ou moins tacites.

Cependant, les défis sont nombreux. La méfiance reste profonde, alimentée par des accusations croisées de soutien aux groupes armés. De plus, les enjeux économiques liés à l’exploitation illicite des ressources naturelles freinent toute dynamique de désescalade.

Enfin, les dynamiques internes des deux pays compliquent les perspectives de règlement rapide : en RDC, l’armée peine à stabiliser la situation à l’Est malgré les renforts, tandis qu’au Rwanda, la politique sécuritaire reste prioritaire sur toute ouverture diplomatique.

Ainsi, si la rencontre de Washington est porteuse d’espoir, elle ne sera qu’une étape parmi d’autres dans un processus de paix qui nécessitera engagement, concessions et surtout, la volonté politique des dirigeants régionaux soutenue par une pression diplomatique constante.

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Photo : au milieu, le secrétaire d’État américain Marco Rubio entouré par les ministres Kayikwamba et Nduhungirehe, crédit photo : le compte X de Marco Rubio