Présumée fuite du président de la CNIDH : entre soupçons de malversations et tensions politiques

SOS Médias Burundi
Alors que la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme traverse une zone de turbulences, son président, Dr Sixte Vigny Nimuraba, est soupçonné d’avoir quitté le pays dans des circonstances troubles. Entre accusations de détournements, tensions internes et pressions politiques croissantes, cette affaire relance le débat sur l’indépendance réelle des institutions burundaises.
La sphère politique burundaise est une nouvelle fois secouée par une affaire qui mêle finances publiques et luttes d’influence. Le président de la CNIDH, Dr Sixte Vigny Nimuraba, aurait quitté le pays en catimini avec sa famille durant le week-end, d’après plusieurs sources concordantes.
Cette disparition intervient dans un climat de suspicion, alors que le président de la CNIDH est accusé de détournements de fonds publics et de graves irrégularités dans la gestion de l’institution. Elle survient également peu après le retrait de son passeport diplomatique, survenu à la suite de plusieurs convocations du service des finances de l’Assemblée nationale. Un départ précipité qui rappelle les récents cas de deux commissaires de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR), eux aussi écartés après des tensions avec le Parlement.
Une institution sous pression
La CNIDH, malgré le maintien récent de son statut « A » – garant de son indépendance au regard des standards internationaux – est aujourd’hui dans la tourmente. Le président de l’Assemblée nationale, Daniel Gélase Ndabirabe, a publiquement reproché à la Commission, et particulièrement à son président, de ternir l’image de l’État à travers des rapports jugés « hostiles » au gouvernement. Il leur reproche également de ne pas défendre l’action étatique.
En parallèle, plusieurs voix issues de la société civile critiquent la CNIDH pour son inaction face à certaines violations graves des droits humains, dénonçant un double discours qui affaiblit la légitimité de l’institution.
Rivalités internes et pressions politiques
Des sources proches du dossier évoquent également des tensions internes au sein de la CNIDH. Les relations se seraient détériorées entre Dr Nimuraba et certains commissaires, sur fond de rivalités personnelles et de divergences stratégiques. Ces tensions auraient, selon les mêmes sources, contribué à l’isolement du président et facilité son éviction.
Dans un contexte déjà tendu, l’Assemblée nationale a récemment lancé un appel au remplacement de plusieurs commissaires de la CNIDH. Une décision qui suscite une vive controverse. Un défenseur local des droits humains, interrogé par SOS Médias Burundi, rappelle que cette initiative parlementaire pourrait être contraire à la loi : « Normalement, lorsqu’un ou plusieurs commissaires posent problème, ce sont leurs collègues qui doivent saisir l’Assemblée. Ce n’est pas au Parlement de prendre l’initiative d’un appel à candidatures. C’est une violation claire de la loi, qui remet en cause l’indépendance de la Commission », a-t-il affirmé.
Une perquisition controversée
Autre élément troublant : selon plusieurs sources, le domicile de Dr Sixte Vigny Nimuraba aurait été perquisitionné par les forces de l’ordre dans des conditions jugées opaques. Une démarche perçue comme une nouvelle atteinte à l’État de droit. L’activiste précité y voit une procédure illégale et un possible acte d’intimidation.
Une commission en crise ouverte
La CNIDH, composée de sept commissaires élus pour un mandat de quatre ans renouvelable, est administrée par un bureau exécutif de trois membres (président, vice-président et secrétaire), appuyé par un secrétariat permanent et quatre antennes régionales.
Mais aujourd’hui, c’est la solidité même de cette architecture qui est remise en question. D’après notre source, les justifications avancées par le président de l’Assemblée nationale ne suffisent pas à expliquer les pressions actuelles : « Les motifs évoqués sont loin d’être convaincants. Il faut repenser en profondeur le fonctionnement de la CNIDH et, surtout, garantir son indépendance. »
SOS Médias Burundi a tenté à plusieurs reprises de contacter Dr Sixte Vigny Nimuraba, habituellement disponible pour répondre aux questions des journalistes. Nos appels sont restés sans réponse.
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Photo : Dr Sixte Vigny Nimuraba, président de la CNIDH, aurait quitté le pays alors qu’il est visé par des soupçons de détournement de fonds