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Burundi : deux journalistes brièvement arrêtés alors qu’ils couvraient un sit-in à Bujumbura

SOS Médias Burundi

Alors qu’ils couvraient une manifestation pacifique de clients floués par une microfinance fermée, deux journalistes burundais ont été interpellés par les forces de l’ordre avant d’être relâchés quelques heures plus tard. Un nouvel épisode révélateur d’un climat de plus en plus hostile à la liberté de la presse, à l’approche des élections.

Les journalistes Willy Kwizera (Bonesha FM) et Masudi Mugiraneza (Radio Nderagakura) ont été arrêtés lundi matin à Kinama, dans le nord de Bujumbura, alors qu’ils couvraient un sit-in pacifique de clients d’une microfinance fermée depuis plusieurs mois. Ils ont été relâchés en fin de journée, en même temps qu’une cinquantaine de manifestants interpellés lors de l’intervention des forces de sécurité.

Les deux reporters s’étaient rendus sur place pour rendre compte d’un rassemblement organisé par des clients de la microfinance Ineza, implantée à Carama. Cette institution, fermée de manière soudaine depuis janvier, est accusée par ses anciens clients de ne jamais avoir remboursé les épargnes qu’ils y avaient confiées.

Selon plusieurs témoins, des agents du Service national de renseignement (SNR) et des policiers ont rapidement encerclé le lieu de la manifestation. Ils ont procédé à l’arrestation de nombreux participants, y compris des deux journalistes présents. Tous ont été conduits au commissariat municipal de Bujumbura, installé dans les locaux de l’ancien Bureau Spécial de Recherche (BSR), un site tristement connu pour ses méthodes musclées d’interrogatoire.

Des sources proches du dossier affirment que les autorités reprochent aux journalistes d’avoir couvert le sit-in sans en avoir informé au préalable l’administration locale. Leur présence aurait été perçue comme une « complicité tacite » avec les manifestants.

Ce n’est qu’en fin de journée que le commissaire municipal de Bujumbura aurait ordonné leur libération. « Qu’on ne s’avise plus de ce genre de réclamations, surtout à l’approche des élections », aurait-il déclaré, selon des témoins, en lançant un avertissement clair aussi bien aux protestataires qu’aux journalistes.

L’arrestation de Willy Kwizera et Masudi Mugiraneza a suscité une vive réaction d’indignation dans les milieux journalistiques, tant au Burundi qu’à l’international.

Un climat de plus en plus hostile à la presse

Ce nouvel incident s’inscrit dans un contexte particulièrement tendu pour les médias burundais. Ces dernières années, plusieurs journalistes ont été arrêtés, menacés ou poussés à l’exil. Depuis la crise politique de 2015, l’espace médiatique n’a cessé de se rétrécir, et chaque période électorale s’accompagne d’une recrudescence des pressions sur les voix critiques.

Nombre de journalistes ont vu leurs accréditations suspendues ou ont été convoqués à plusieurs reprises par les services de renseignement.

Face à cette situation, les professionnels des médias appellent les autorités à garantir un environnement de travail sûr pour les journalistes, condition essentielle à un débat public libre et équilibré – surtout à l’approche des élections législatives et communales prévues en juin 2025.

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Photo: Des journalistes burundais couvrent un événement dans la ville commerciale de Bujumbura © SOS Médias Burundi