Goma : le retour de Joseph Kabila divise l’opinion congolaise

SOS Médias Burundi
L’ancien président congolais Joseph Kabila Kabange a effectué un retour remarqué ce vendredi 18 avril à Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo. Son arrivée par Kigali, au Rwanda, ravive les tensions et alimente les spéculations politiques, tant à Kinshasa qu’en province.
Installé depuis 2024 en Afrique australe, Kabila avait annoncé son retour le 8 avril dernier, évoquant dans un communiqué « la dégradation de la sécurité » et « l’état préoccupant des institutions ». Il avait également précisé vouloir commencer sa visite par l’Est, « parce qu’il y a péril en la demeure ».
Ce retour s’inscrit dans un contexte tendu, alors que les Forces armées de la RDC (FARDC) sont toujours engagées dans des combats contre les rebelles du M23, désormais intégrés à l’Alliance Fleuve Congo (AFC).
Une société civile divisée
Pour Marion Ngavho, figure de la société civile au Nord-Kivu, la présence de Kabila dans la région est porteuse d’espoir :« Joseph Kabila est un homme d’État congolais digne et instruit. Je pense qu’il peut être non seulement un acteur clé dans la lutte contre le M23, mais aussi un opposant incontournable à la mauvaise gouvernance du régime actuel. »
Mais d’autres voix s’élèvent, plus prudentes, voire critiques. Certaines organisations de la société civile redoutent une possible confrontation entre l’ancien président et l’actuel chef de l’État, Félix Tshisekedi. L’ambiguïté entourant les intentions de Kabila alimente les inquiétudes.
Le PPRD pris de court
Au sein du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), fondé par Kabila, l’embarras est palpable. « Nous ne savons pas s’il est à Goma ou pas. Et si c’est le cas, cela n’engage que sa propre personne, pas le PPRD », a déclaré Marc Musafiri, secrétaire exécutif du parti au Nord-Kivu.
Une réaction révélatrice d’un certain flottement dans une formation politique qui vient pourtant de célébrer ses 23 ans.
Kinshasa contre-attaque
Le président Félix Tshisekedi n’a pas mâché ses mots en février dernier à Munich, accusant ouvertement Joseph Kabila d’être le « commanditaire » d’une opposition armée soutenue par le Rwanda. Une version des faits également soutenue par Jean-Pierre Bemba, ancien ministre de la Défense, qui a promis de présenter des preuves.
Le nom d’Éric Nkuba Shebandu, conseiller stratégique de l’AFC et proche de Corneille Nangaa, est également cité. Nangaa, chef de l’Alliance Fleuve Congo, est à la tête d’un mouvement politico-militaire auquel est affilié le M23, aujourd’hui maître de plusieurs chefs-lieux du Nord-Kivu et du Sud-Kivu — des régions stratégiques et riches en ressources minières. Capturé par les FARDC en avril 2024, Éric Nkuba aurait évoqué Joseph Kabila parmi les figures en contact avec les rebelles.
Un itinéraire controversé
Le choix de passer par Kigali, capitale d’un pays régulièrement accusé d’ingérence militaire en RDC, suscite également la polémique. Beaucoup s’interrogent : comment un ancien chef d’État peut-il emprunter un tel itinéraire dans un contexte aussi tendu, alors que l’opinion congolaise reste profondément marquée par les violences dans l’Est ?
Vers un retour en politique ?
Ce retour pourrait-il annoncer une nouvelle phase d’engagement politique pour Joseph Kabila ? Son parti semble vouloir retrouver une place sur l’échiquier national. Mais le paysage politique a évolué : il est aujourd’hui plus fragmenté, plus instable, et dominé par des tensions multiples.
En mars dernier à Johannesburg, lors d’un événement public, Kabila avait nié tout lien avec le M23, qualifiant les accusations à son encontre de « sans fondement » et appelant à « une solution congolaise aux problèmes congolais ».
La réaction du gouvernement
Interrogé ce samedi 19 avril, le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a confirmé que Kinshasa surveille de près cette réapparition de l’ancien président : « Le retour de M. Joseph Kabila, dans ce contexte particulier, est un fait politique majeur. Mais nous rappelons qu’aucun individu n’est au-dessus des lois. Si des éléments probants établissent des liens avec des groupes armés, la justice fera son travail. »
Une mise en garde claire, qui laisse entrevoir d’éventuelles poursuites si des responsabilités venaient à être établies.
Le retour de Joseph Kabila marque une étape symbolique dans l’histoire politique récente du pays. Reste à savoir s’il contribuera à calmer les tensions dans une République démocratique du Congo toujours en proie à l’insécurité et aux incertitudes politiques, ou s’il envenimera davantage une situation déjà explosive.
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Photo : l’ancien président congolais Joseph Kabila qui est rentré au pays par l’est de la RDC contrôlé par les rebelles du M23, soupçonnés de bénéficier d’un soutien du Rwanda, DR