Makamba – Kayogoro : arrestations et fuite de militants du CNL après la découverte de tracts hostiles au pouvoir
SOS Médias Burundi
Kayogoro, 17 avril 2025 – La tension est montée d’un cran ces derniers jours dans la commune de Kayogoro, province de Makamba (sud du Burundi), après la découverte de tracts anonymes attribués à un groupe dénommé Burundi Démocratie Libération Force -BDF Abisezerano. Ces tracts, diffusés dans plusieurs localités de Makamba et même à Rutana (sud-est),dénonçaient l’absence de dialogue politique au sommet de l’État et évoquaient une possible attaque.
Dans la foulée, deux militants du parti d’opposition CNL, Gatore Thierry et Ndayishimiye Thierry, ont été arrêtés lundi par des membres de la ligue des jeunes Imbonerakure (membres de la ligue des jeunes du CNDD-FDD, le parti au pouvoir) , avec l’appui du commissaire communal de police de Kayogoro. Bien que l’origine des tracts reste inconnue, les soupçons ont rapidement visé les membres du parti CNL.
Ces arrestations font partie d’une vague de répression croissante visant les militants de l’opposition dans plusieurs régions du pays. Les autorités burundaises sont régulièrement accusées de cibler les membres du CNL, ainsi que d’autres partis d’opposition, par des arrestations arbitraires et des abus de pouvoir. Ces pratiques incluent des tortures en détention, des disparitions forcées et des harcèlements judiciaires. De nombreux militants ont rapporté avoir été victimes de violences physiques et psychologiques lors de leur incarcération, dans le but de les intimider et de les forcer à renoncer à leurs activités politiques.
Craignant pour leur sécurité, trois autres militants – Niyongabo Therence (responsable CNL en zone Mugeni), Nyabenda Firmin et Jean Berchmans – ont fui leurs domiciles. Ils étaient activement recherchés par des Imbonerakure identifiés comme Bikorimana Marc et Nsabimana Pierre, en collaboration avec les autorités locales.
Le lendemain, mardi, une réunion publique s’est tenue sur la colline Kigaza, zone Dunga. Elle était dirigée par Nyandwi Dechaux, chef de zone, en présence de Bayubahe alias BABA, responsable local du parti au pouvoir, le CNDD-FDD. Plusieurs témoins affirment que cette réunion avait pour objectif d’intimider ouvertement les militants de l’opposition.
Lors de cette rencontre, le chef de zone a tenu des propos particulièrement graves :
« Mwe bakiri muri CNL, turabamenya. Bose ni ukubica vuba na bwango, igihugu kibone gutekana. »
(Vous qui êtes encore dans le CNL, on vous connaît. Il faut tous vous éliminer rapidement pour que le pays retrouve la paix.)
Ces paroles, perçues comme un appel à la violence politique, ont semé la panique parmi les militants du CNL. Selon eux, les droits fondamentaux des opposants sont bafoués au vu et au su des autorités.
Au fil des années, les arrestations d’opposants et les abus de pouvoir se sont intensifiés, particulièrement depuis la réélection controversée de feu président Pierre Nkurunziza en 2020. Les organisations de défense des droits de l’Homme ont régulièrement dénoncé l’usage de la violence par les forces de sécurité pour écraser toute forme de dissidence. Les militants du CNL, en particulier, sont ciblés par des menaces de mort, des violences physiques et des pressions pour les forcer à rejoindre le parti au pouvoir.
La situation reste très tendue dans la commune de Kayogoro, où les militants du CNL dénoncent une chasse à l’homme orchestrée par des responsables administratifs et sécuritaires. Ils réclament que leur sécurité soit garantie, comme celle de tout autre citoyen burundais.
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Photo d’illustration : des Imbonerakure défilent dans une rue principale à Makamba dans le cadre des entraînements paramilitaires organisés par le parti au pouvoir, le CNDD-FDD. Ils sont accusés d’abus contre les opposants
