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Pollution du lac Tanganyika : l’extraction anarchique des matériaux de construction inquiète

Des maisons menacées par les eaux du lac Tanganyika dans la ville commerciale Bujumbura, avril 2024

SOS Médias Burundi

Bujumbura, 16 avril 2025 – Le lac Tanganyika, joyau écologique et économique de l’Afrique de l’Est, est de plus en plus menacé par une pollution croissante. La cause : l’extraction incontrôlée du sable, du moellon et du gravier dans les rivières Ntahangwa, Muha et Mugere, qui prennent leur source dans les montagnes surplombant la capitale économique-Bujumbura. Ces activités, réalisées sans respect des normes environnementales, contribuent depuis des années à la détérioration de l’écosystème du lac.

Une activité lucrative mais destructrice

Sur le terrain, ce sont des ouvriers souvent non formés aux bonnes pratiques de protection de l’environnement qui mènent les extractions. À l’aide de pelles, de pioches et parfois de machines rudimentaires, ils creusent le lit des rivières, modifiant leur débit naturel et aggravant l’érosion des berges. Lors de la saison des pluies, les matériaux extraits se déversent directement dans le lac Tanganyika, exacerbant sa pollution.

« On ne pense qu’au gain immédiat. Personne ne mesure l’impact à long terme de cette destruction », confie un habitant du quartier Kinanira, témoin de l’évolution inquiétante de la rivière Ntahangwa.

Un impact écologique alarmant

La pollution résultante affecte gravement la biodiversité du lac. Des espèces de poissons endémiques, essentielles à la pêche et à la subsistance de nombreuses familles, voient leur habitat menacé par les sédiments et les déchets issus des carrières illégales.

« La turbidité de l’eau augmente, l’oxygène diminue, et cela étouffe la vie aquatique », explique un biologiste local. « Certaines zones autrefois riches en poissons sont aujourd’hui désertées. »

Le lac Tanganyika, reconnu pour la qualité exceptionnelle de ses eaux douces, est également l’une des plus grandes réserves d’eau douce du continent africain. Selon Basket Fund, une organisation internationale de préservation de l’environnement, la pollution du lac met en péril non seulement les écosystèmes locaux, mais aussi l’approvisionnement en eau potable de millions de personnes vivant autour du lac, dans des pays comme le Burundi, la Tanzanie, la République démocratique du Congo ou encore la Zambie.

Un laisser-faire administratif dénoncé

Le mutisme des autorités locales est préoccupant. Malgré les alertes lancées par les défenseurs de l’environnement, aucune mesure concrète n’a été prise pour encadrer ces pratiques et faire respecter les lois environnementales. Les autorités sont accusées de fermer les yeux sur la situation, malgré l’impact écologique évident.

« Les extracteurs payent des taxes dérisoires par rapport aux bénéfices qu’ils tirent de cette activité », déplore un activiste de la société civile. « L’État perd non seulement de l’argent, mais compromet aussi la santé écologique d’un bien commun. »

Vers quelles solutions ?

Pour endiguer cette dérive, les spécialistes appellent à une application stricte des normes environnementales et à l’encadrement des activités d’extraction. L’implication des communautés locales dans la gestion durable des ressources naturelles et un système de taxation plus juste pourraient aussi aider à préserver l’intégrité écologique du lac.

À défaut d’une action rapide et coordonnée, le lac Tanganyika pourrait perdre son rôle vital dans l’économie, la sécurité alimentaire et l’approvisionnement en eau douce de millions de personnes qui en dépendent.

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Photo d’archives : des maisons menacées par les eaux du lac Tanganyika dans la ville commerciale Bujumbura, avril 2024