Uvira : des femmes seules face au poids des responsabilités familiales

SOS Médias Burundi
À l’est de la République démocratique du Congo, dans le territoire d’Uvira, de nombreuses femmes se battent seules pour assurer la survie de leur foyer, abandonnées par leurs maris ou délaissées par des conjoints inactifs. Un phénomène préoccupant qui met en lumière la précarité grandissante de nombreuses familles.
Uvira , 11 avril 2025- Traverser les groupements du territoire d’Uvira, à la frontière avec le Burundi, c’est découvrir une réalité frappante : les femmes sont au cœur de l’économie informelle. Certaines pratiquent le commerce transfrontalier, d’autres cultivent la terre, et beaucoup puisent du sable dans les rivières pour le vendre. Leur objectif : nourrir leurs enfants, souvent sans soutien masculin.
Des mères seules dans la survie quotidienne
Jeanne Niyonkuru, une trentenaire burundaise réfugiée en RDC, élève seule ses sept enfants après avoir été abandonnée par son mari. Chaque jour, elle puise du sable dans la rivière Kavimvira pour le revendre.
« Je peux passer la journée sans manger pour que mes enfants aient quelque chose », confie-t-elle. « Parfois, mon fils va mendier un peu de farine. Si quelqu’un lui donne quelque chose, c’est ce que nous mangeons au camp de transit de Kavimvira. »
Toyi Hawa, également réfugiée burundaise au camp de Lusenda, vit une situation similaire avec ses cinq enfants. Abandonnée elle aussi, elle se bat au quotidien :
« Nous travaillons avec les enfants pour gagner un peu d’argent et acheter de la farine ou du riz. Il y a des nuits où nous dormons le ventre vide. Même le savon manque parfois pour laver nos habits. »
Présents mais absents
Certaines femmes expliquent que leur mari est toujours présent physiquement… mais absent dans les faits. C’est le cas d’une femme dont le conjoint, militaire, préfère dépenser son salaire dans l’alcool et avec d’autres femmes.
« Pour nourrir mes enfants, je lave les habits des voisins à la rivière Kalimabenge. Mon mari ne nous donne rien. Je suis obligée de mendier ou de faire de petits travaux pour survivre. »
Commerce transfrontalier : un moyen de subsistance
Au poste-frontière de Kavimvira, plusieurs femmes rencontrées par SOS Médias Burundi s’impliquent dans le commerce transfrontalier, seul moyen pour elles de subvenir aux besoins de leur famille.

Nahimana Chantal, une mère de cinq enfants vivant avec un handicap, transporte chaque jour des marchandises du Burundi vers la RDC.
« Je leur donne 10 000 francs congolais chaque jour pour acheter de la farine et du poisson. »
Bahati Noëlla, veuve et mère de douze enfants, décharge des bidons de carburant destinés aux chauffeurs burundais.
« Je vends cette essence et je peux gagner entre 10 000 et 15 000 FC par jour. Avec cet argent, je nourris mes enfants et je paie leurs frais de scolarité. »
Des hommes absents, des institutions silencieuses
Certains hommes interrogés affirment avoir quitté leur foyer pour chercher une vie meilleure, mais beaucoup refont leur vie ailleurs. D’autres invoquent des mésententes conjugales pour justifier leur départ.
En théorie, la loi congolaise prévoit des sanctions contre les hommes qui abandonnent leur famille. En pratique, ces mesures restent inappliquées, laissant les femmes livrées à elles-mêmes.
À Uvira, le visage de la résilience est féminin. Ces femmes, souvent seules, sont devenues les piliers de leur foyer dans un contexte de grande précarité. Leur quotidien, entre survie et débrouillardise, est le reflet d’un désengagement masculin et d’un manque criant de soutien institutionnel.
______________________________________________________
Photo : des commerçantes ambulantes à Uvira à l’est du Congo, avril 2025 © SOS Médias Burundi