Rugombo : deux corps en décomposition découverts, des zones d’ombre persistent

SOS Médias Burundi
Deux cadavres non identifiés vêtus d’uniformes militaires burundais ont été retrouvés jeudi 10 avril à Rugombo, à quelques kilomètres du centre provincial de Cibitoke ( nord-ouest du Burundi). L’affaire suscite une vive inquiétude, sur fond de rumeurs d’exécutions extrajudiciaires liées au conflit à l’Est de la RDC.
Cibitoke, 11 avril 2025- C’est une découverte qui glace les sangs. Deux corps en état de décomposition avancée ont été retrouvés ce jeudi après-midi sur la transversale 11, colline Rusiga, commune de Rugombo, en province de Cibitoke. Les cadavres, emballés dans une tente et portant des uniformes de l’armée burundaise, gisaient à environ 4 kilomètres du chef-lieu provincial.
Selon plusieurs témoins sur place, les dépouilles semblaient avoir été abandonnées depuis plusieurs jours. Des sources sécuritaires évoquent une piste troublante : il pourrait s’agir de jeunes Imbonerakure ( membres de la ligue des jeunes du CNDD-FDD, le parti au pouvoir), récemment envoyés en renfort à l’armée burundaise déployée aux côtés des FARDC dans l’Est de la République Démocratique du Congo.
« Ces jeunes auraient été éliminés après leur retour, soupçonnés d’avoir déserté ou fui les combats face aux rebelles du M23 », affirme une source locale, sous anonymat.
Une version partagée par plusieurs jeunes militants du CNDD-FDD, inquiets de ce qu’ils qualifient de « stratégie de dissuasion ». Certains dénoncent une pression croissante sur les jeunes pour s’enrôler dans le conflit, malgré les risques et sans encadrement clair. Des témoignages font état d’une fuite accrue de jeunes burundais vers la RDC ou le Rwanda, à travers des points frontaliers non officiels, notamment via la rivière Rusizi.
Interrogé à ce sujet, le commissaire communal de la police à Rugombo a confirmé la découverte. Il précise que les corps ont été inhumés sans autopsie ni passage à la morgue, officiellement pour éviter « tout risque sanitaire pour la population ». Une procédure qui interroge et alimente les soupçons d’un enfouissement précipité de la vérité.
« Pourquoi enterrer si vite sans identifier formellement les victimes ? », s’interroge un habitant de Rugombo.
Face à cette situation, plusieurs voix s’élèvent pour réclamer une enquête indépendante. Des familles, des membres du parti au pouvoir et des habitants de la région demandent que la lumière soit faite sur les circonstances exactes de ces décès.
Cette affaire s’inscrit dans un contexte plus large de questionnement sur l’implication du Burundi dans le conflit armé à l’Est du Congo, où les pertes humaines commencent à susciter malaise et contestation au sein même de la base du parti au pouvoir.
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Photo : une foule sur un lieu de découverte macabre à Rugombo, le 3 mars 2024 © SOS Médias Burundi