Bubanza : la distribution d’engrais à Bubanza- une crise qui divise agriculteurs et autorités
La distribution des engrais chimiques, en particulier les engrais-urée, a provoqué une crise majeure dans la commune de Bubanza ( ouest du Burundi). Depuis la mise à disposition de plus de 10 tonnes d’urée, des tensions entre les agriculteurs et les responsables administratifs n’ont cessé d’intensifier. Les premières accusent les secondes de s’accaparer la majorité des stocks et de ne laisser que des miettes aux populations locales. Cette situation a culminé lundi, avec des scènes de rixe devant les centres de distribution. (INFO SOS Médias Burundi)
Les tensions ont atteint leur paroxysme la nuit du 30 mars 2025, lorsque des habitants des environs ont rapporté que de nombreux sacs d’urée, estimés à environ 100 sacs, avaient été déplacés en pleine nuit vers une destination inconnue. « Nous avons vu des véhicules charger des sacs d’urée pendant la nuit. Il y en avait une grande quantité », a affirmé un habitant de la zone.
Les autorités locales, après avoir pris connaissance de ces allégations, ont procédé à l’arrestation et à l’interrogatoire du responsable du stock à Gihanga par le Service national de renseignements (SNR) de la province de Bubanza. Il a été conduit au parquet pour répondre aux questions sur les disparitions de ces engrais, des disparitions qui, selon plusieurs témoins, impliqueraient des responsables locaux.
Des scènes de tension et de violence
La situation sur le terrain est tendue. Lundi, les agriculteurs, qui avaient payé pour leurs engrais, se sont massés devant le stock de la commune, située non loin du stade de Bubanza. Certains s’étaient rendus sur place dès 3h , espérant être servis avant les autres, car les quantités disponibles étaient insuffisantes pour répondre à la demande. Le secrétaire permanent de la commune, spécialiste en gestion des crises similaires, a été dépêché pour tenter de gérer la situation.
Malgré les tentatives de distribution en fonction de l’enregistrement des chefs de 10 ménages, les tensions n’ont cessé de croître. Certains agriculteurs ont exprimé leur frustration face à l’inefficacité de la méthode, notamment dans les zones où le clientélisme semblait influencer la sélection des bénéficiaires. Au centre-ville, par exemple, où plus de 100 agriculteurs se sont présentés, il a été très difficile de choisir parmi les nombreux demandeurs, même en appliquant des critères partisans.
Des scènes de violence ont éclaté, notamment dans certaines collines de la commune, où des rixes ont éclaté entre agriculteurs, en raison du manque d’égalité et de la gestion défaillante des ressources.
Des engrais pour un petit nombre
Alors que certains agriculteurs étaient censés recevoir une quantité d’engrais correspondant à leurs paiements, la réalité a été bien différente. Chaque agriculteur, qu’il ait payé pour un ou plusieurs sacs, est rentré avec seulement 25 kg d’engrais. Toutefois, des arrangements ont été faits dans certains cas, où des bénéficiaires ont obtenu plus, mais ces cas étaient l’exception plutôt que la norme.

Beaucoup d’agriculteurs se sont plaints, affirmant qu’ils avaient payé pour les engrais destinés à la saison agricole C, mais n’avaient toujours pas reçu la totalité de ce pour quoi ils avaient payé. Ce retard pourrait avoir des conséquences désastreuses sur la production agricole de la région. De plus, de nombreux agriculteurs détenaient des souches de paiement des saisons agricoles A et C, mais le secrétaire permanent, débordé par la foule, n’a pas pris en compte le risque d’annulation de ces reçus.
Un marché noir en pleine croissance
La crise a également alimenté un marché noir des engrais. En effet, un sac de 50 kg d’urée, qui devrait être vendu officiellement à 66.000 francs burundais à l’entreprise-FOMI ( Fertilisants organo-minéraux), atteint un prix exorbitant de 250.000 francs sur le marché informel. Cela a alimenté les accusations de détournement et d’exploitation abusive de la part de certains responsables.
Mitakataka : une situation similaire
La situation à Mitakataka, une autre zone de la commune de Bubanza, n’a pas été plus favorable. Là aussi, les agriculteurs ont fait face à des défis similaires : des quantités d’engrais disparues, des distributions sélectives et des tensions palpables entre les bénéficiaires. La situation est similaire dans d’autres localités de la commune, où des agriculteurs se battent pour avoir accès à des stocks d’engrais insuffisants pour couvrir les besoins de la population.
Un appel à l’action
La crise de la distribution des engrais à Bubanza soulève de sérieuses questions sur la gestion des ressources publiques et sur la responsabilité des autorités locales dans la distribution équitable de ces ressources vitales pour les agriculteurs. Tandis que des enquêtes sont en cours, les agriculteurs, au bord du désespoir, demandent une réponse urgente des autorités pour garantir une distribution plus transparente et plus juste des engrais, avant que la situation ne devienne incontrôlable.
Si la crise n’est pas rapidement résolue, les conséquences pour la production agricole dans la province de Bubanza pourraient être dramatiques, affectant gravement la sécurité alimentaire et les revenus des agriculteurs.
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Photo : des policiers supervisent la distribution d’engrais chimiques sur un point de vente de fertilisants à Bubanza © SOS Médias Burundi
