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Bukavu : traversée de 4 pays pour rejoindre Uvira : un voyage de plus en plus difficile et coûteux

Les habitants de Bukavu, ville située dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC), se trouvent confrontés à des défis de plus en plus grands pour se rendre à Uvira, une autre ville de la même province. Ce trajet, qui auparavant prenait six heures et coûtait environ 10 dollars américains, est désormais un périple de plusieurs jours, avec des frais qui ont augmenté de manière spectaculaire, passant à 70 dollars. (INFO SOS Médias Burundi)

Il s’agit d’un itinéraire complexe et périlleux.

Les voyageurs, notamment ceux de Bukavu, passent désormais par quatre pays pour rejoindre Uvira : la RDC, le Rwanda, la Tanzanie et le Burundi. Ce détour prolongé est causé par la présence du groupe armé M23 dans certaines zones de la région, notamment dans la Plaine de la Rusizi à Katogota et Kamanyola, ce qui rend la route principale dangereuse. D’un autre côté, dans les zones sous le contrôle des FARDC (Forces Armées de la République Démocratique du Congo) et des milices Wazalendo, notamment à Luvungi, la situation semble un peu plus stable, mais tout de même tendue.

Un voyage devenu un calvaire

Anne Sifa, étudiante à l’Université de Bukavu, témoigne de la situation. « Nous quittions Uvira pour Bukavu en six heures, mais maintenant, cela prend jusqu’à trois jours, car nous devons passer par plusieurs pays, voyager de nuit et de jour, ce qui rend le trajet particulièrement pénible », confie-t-elle.

Des représentants du M23 en réunion avec les habitants dans la cité minière de Rubaya en province du Nord-Kivu à l’est du Congo © SOS Médias Burundi

Les étudiants et résidents de la région affirment que le coût des billets de transport a considérablement augmenté. Là où ils payaient autrefois 10 dollars pour le trajet, ils doivent maintenant débourser 70 dollars. En plus des frais de transport, il faut également s’acquitter de documents de voyage. Ce qui était autrefois un simple trajet avec une carte d’identité est désormais accompagné de frais supplémentaires pour des documents de voyage, notamment à hauteur de 50 dollars pour un document tenant lieu de passeport, ainsi que 10 dollars pour la carte jaune de vaccination.

L’un des points de friction majeurs se situe à la frontière de Kobero, entre le Burundi et la Tanzanie. Les voyageurs congolais se voient souvent contraints de verser une somme de 100.000 FBU (franc burundais), soit environ 15 dollars, à l’arrivée à la frontière. Ceux qui arrivent avec des documents temporaires, tels que ceux venant des villes sous contrôle du M23, comme Bukavu et Goma, se retrouvent souvent enfermés sous l’accusation d’être affiliés au M23. Ils sont ensuite contraints de verser une somme de 100 dollars pour leur libération par les autorités burundaises.

Conséquences sur l’éducation et l’économie locale

Selon un organisme de la société civile d’Uvira, plus de 400 étudiants venant d’Uvira et de Baraka, qui poursuivaient leurs études à Bukavu et Goma, se retrouvent dans l’incapacité de retourner à l’école en raison des coûts exorbitants des déplacements et des documents nécessaires. Leurs études sont mises en suspens, car ils n’ont pas les moyens financiers pour reprendre la route.

Face à cette situation difficile, les habitants d’Uvira appellent les autorités congolaises, notamment les FARDC et les milices Wazalendo, à mener des actions militaires contre le M23 à Kamanyola, Nyagenzi et Bukavu afin de sécuriser ces zones et permettre un retour à la normalité pour les populations locales.

Une crise persistante dans l’est du Congo

Depuis plusieurs décennies, l’est de la RDC est en proie à des conflits armés impliquant divers groupes rebelles et forces gouvernementales. La présence du M23, un mouvement rebelle soutenu par des intérêts étrangers, selon l’ONU, aggrave la situation en déplaçant des milliers de civils et en perturbant les activités économiques et sociales. Les affrontements entre le M23 et les FARDC, souvent appuyées par les milices locales Wazalendo, provoquent une insécurité permanente.

Des réfugiées congolaises qui ont trouvé refuge dans le nord-ouest du Burundi © SOS Médias Burundi

De plus, les populations locales sont prises en étau entre les exactions des groupes armés et les difficultés économiques croissantes. Les infrastructures routières dégradées, les barrages illégaux érigés par les milices et les taxes abusives imposées aux voyageurs exacerbent les souffrances des habitants de la région. Cette crise humanitaire a conduit à un exode massif vers des zones plus sécurisées, y compris vers les pays voisins, mettant encore plus de pression sur les services d’accueil et les infrastructures locales.

Une urgence humanitaire

Le calvaire des voyageurs entre Bukavu et Uvira est un reflet des tensions croissantes et de l’instabilité persistante dans l’est de la République Démocratique du Congo, où la guerre et les conflits armés continuent d’affecter la vie quotidienne des civils. Le prix à payer pour un voyage devenu de plus en plus long, coûteux et risqué est un lourd fardeau pour la population, en particulier pour les étudiants qui se retrouvent pris au piège de cette situation inextricable. Il est urgent que la communauté internationale et les autorités congolaises prennent des mesures concrètes pour stabiliser la région et garantir la libre circulation des populations.

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Photo : des passagers sur la frontière Gatumba-Kavimvira, novembre 2024 © SOS Médias Burundi