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Bujumbura : le Conseil National de la Communication suspend temporairement Yaga Burundi

Le Conseil National de la Communication (CNC), l’organe de régulation des médias au Burundi, a annoncé ce jeudi la suspension temporaire du collectif Yaga Burundi, connu pour ses productions médiatiques et ses contenus critiques sur la société burundaise. Cette décision, communiquée via un communiqué de presse, suscite des interrogations sur l’avenir de la liberté de la presse dans le pays. (INFO SOS Médias Burundi)

Selon Espérance Ndayizeye, présidente du CNC, la suspension découle d’une irrégularité administrative. « Yaga Burundi ne figure pas officiellement comme un journal enregistré auprès de nos services, bien que des démarches aient été entamées depuis 2022. Il est impératif de mettre de l’ordre dans le secteur médiatique burundais », a-t-elle déclaré lors d’une conférence de presse qu’elle a tenue à son bureau dans la ville commerciale Bujumbura ce jeudi.

Créé il y a dix ans, Yaga Burundi s’est imposé comme un acteur clé du paysage médiatique burundais, traitant des sujets sensibles tels que la gouvernance, les droits humains et la jeunesse. Malgré son influence, il n’a pas encore obtenu de reconnaissance officielle en tant qu’organe de presse, un élément qui semble être au cœur de la décision du CNC.

Un collectif pris de court

En réaction, un membre du collectif Yaga Burundi a exprimé son désarroi face à cette suspension.

« Nous avons appris la nouvelle sans avoir été consultés ni conviés à la conférence de presse. Nous demandons des explications et comptons engager des discussions avec le CNC », a-t-il déclaré à SOS Médias Burundi.

Cette décision intervient dans un contexte difficile pour les médias burundais, où plusieurs organes de presse font face à des restrictions, des fermetures ou des sanctions administratives.

Une liberté de la presse sous pression

Le Burundi traverse une période préoccupante en matière de liberté d’expression. En août 2024, Floriane Irangabiye, la seule femme journaliste emprisonnée en Afrique, a été libérée après des pressions internationales. Toutefois, une autre journaliste burundaise, Sandra Muhoza, reste incarcérée, faisant du Burundi le seul pays du continent où une femme journaliste est toujours détenue.

Selon Reporters Sans Frontières (RSF), le pays occupe la 108e place sur 180 dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2024. Cette situation illustre une répression persistante des médias indépendants, marquée par des arrestations, intimidations et censures. Depuis la crise politique de 2015, plusieurs journalistes ont été contraints à l’exil, tandis que les médias critiques du gouvernement subissent des pressions constantes.

Un climat de censure renforcé

La suspension de Yaga Burundi intervient alors que les autorités burundaises durcissent leur contrôle sur l’espace médiatique. De nombreux observateurs estiment que cette décision s’inscrit dans une volonté plus large de réduire au silence les voix indépendantes à l’approche des élections législatives et communales.

Des organisations comme Human Rights Watch et RSF appellent régulièrement le gouvernement burundais à respecter la liberté de la presse. Cependant, les perspectives restent incertaines pour les médias non alignés sur la ligne officielle.

Vers une montée des tensions ?

Le cas de Yaga Burundi pourrait marquer une nouvelle étape dans la répression des médias indépendants au Burundi. Alors que le collectif cherche à obtenir des clarifications sur sa suspension, cette affaire soulève une question plus large : jusqu’où ira la censure médiatique dans le pays ?

Dans un contexte de répression accrue, les mois à venir seront décisifs pour l’avenir du journalisme burundais et pour les professionnels des médias qui tentent de faire leur travail en toute indépendance.

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Photo : un logo du collectif de blogueurs Yaga Burundi qui a été temporairement suspendu par le Conseil National de la Communication, l’organe régulateur de la presse au Burundi