Drame à Muyinga : une policière abat sa voisine après une dispute

La colline Kinyota, dans la commune et province de Muyinga ( nord-est du Burundi), est sous le choc après un drame qui a coûté la vie à Eugénie Mukawera, mère de quatre enfants. Dans la soirée du jeudi 20 mars, sa voisine, Adidja, policière en service, l’a abattue à son domicile après une altercation survenue plus tôt. Ce crime relance les interrogations sur la régulation du port d’armes par les forces de l’ordre et la gestion des conflits personnels impliquant des agents en uniforme. (INFO SOS Médias Burundi)
Si les violences policières contre les civils ne sont malheureusement pas rares au Burundi, il est exceptionnel qu’une femme policière soit impliquée dans un tel acte. Ce cas soulève donc des questions particulières sur la formation, le contrôle et l’état psychologique des agents de la PNB (Police nationale du Burundi).
Une querelle qui vire au meurtre
Selon des témoignages recueillis sur place, Eugénie Mukawera et Adidja avaient passé plusieurs heures ensemble à boire dans un cabaret du quartier.
« Elles étaient amies, mais ce soir-là, quelque chose a dégénéré entre elles », raconte un voisin sous couvert d’anonymat.
Vers 20h, les deux femmes sont rentrées ensemble, mais une dispute a éclaté en chemin. D’après certaines sources, le différend serait lié à une relation extraconjugale entre la victime et le concubin de la policière. Après cet échange houleux, Adidja a regagné son domicile, visiblement furieuse.
Quelques minutes plus tard, elle est revenue, armée d’une Kalachnikov. Elle a frappé à la porte du domicile de Mukawera. D’abord réticents, ses enfants ont fini par ouvrir. « Elle a demandé où était notre mère. Maman est sortie et tout s’est passé très vite. On a entendu deux détonations et elle est tombée par terre », témoigne, en larmes, l’un des enfants de la victime.
Fuite et reddition de la meurtrière
Après avoir abattu sa voisine, Adidja a quitté les lieux et s’est rendue directement au commissariat de Muyinga, où elle a déposé son arme et avoué son crime.
L’annonce du meurtre a provoqué une vive colère dans la population. Certains habitants, furieux, ont envisagé de se faire justice eux-mêmes. « C’est une trahison, une policière censée protéger la population a tué une mère sous les yeux de ses enfants. Nous demandons un procès immédiat et une condamnation exemplaire », s’indigne un habitant de Kinyota.
Un débat sur la gestion des armes par les policiers
Ce drame remet en cause la réglementation sur le port d’armes par les policiers en dehors de leur service. Selon l’Ordonnance n° 215/891 du 9 juillet 2009 portant Code de déontologie de la Police Nationale du Burundi, l’usage des armes à feu est strictement encadré. Toutefois, aucune disposition claire ne précise si les agents doivent restituer leurs armes en fin de service.
Face à ce flou juridique, les habitants de Muyinga réclament une réforme urgente. « Les policiers ne devraient pas ramener leurs armes chez eux. Ce n’est pas la première fois qu’un conflit personnel dégénère à cause de cela. Nous voulons des mesures strictes », plaide une représentante du comité local de sécurité.
Un fait rare mais alarmant
Si les abus policiers ont été signalés à plusieurs reprises au Burundi, le fait qu’une femme policière soit impliquée dans un homicide volontaire est un phénomène inhabituel.
« Ce type d’affaires concerne généralement des hommes dans les forces de l’ordre. Voir une femme policière commettre un meurtre aussi violent soulève des interrogations sur la formation et le contrôle psychologique des agents, quel que soit leur genre », analyse un expert en sécurité publique.
D’autres estiment que cet événement montre un problème plus large de gestion des conflits et d’abus de pouvoir au sein de la police.
« L’élément troublant dans cette affaire, c’est que l’arme du crime est un fusil d’assaut. Pourquoi une policière avait-elle une Kalachnikov chez elle en dehors de ses heures de service ? Il y a un vide réglementaire dangereux à combler d’urgence », ajoute un juriste spécialisé en droit pénal.
Vers une réforme pour restaurer la confiance ?
L’affaire est désormais entre les mains de la justice, et la population attend une réponse ferme des autorités. Certains experts estiment qu’une réforme de la police est indispensable.
« Ce drame met en lumière un problème plus profond : la gestion des conflits par les forces de l’ordre et leur formation éthique. Il faut non seulement revoir la question du port d’armes, mais aussi renforcer la discipline et l’accompagnement psychologique des policiers », affirme un sociologue spécialisé dans les questions de sécurité publique.
Dans l’attente du procès, la tension reste vive à Muyinga. La famille de la victime espère obtenir justice, tandis que la population, ébranlée, attend des mesures concrètes pour garantir une meilleure sécurité dans leur communauté.
____________________________________________________________
Photo d’illustration : un défilé de femmes policières dans un stade de Ruyigi à l’est du Burundi en marge de la célébration de la journée dédiée aux droits des femmes, DR