Bujumbura : le ministre des Finances ferme la porte aux médias privés

Jeudi dernier, à Bujumbura la ville commerciale où toutes les agences des Nations-Unies et l’administration centrale sont concentrées, six radios locales – Isanganiro, Bonesha FM, Rema FM, Shima FM, Agaseke FM et Radio Remesha Amahoro – se sont regroupées pour débattre d’une question cruciale : l’obligation pour tout Burundais de 18 ans et plus, n’ayant pas de mutuelle, de se doter d’une carte d’assurance maladie afin d’accéder aux soins de santé.Dans le cadre de cette synergie, les journalistes ont cherché à obtenir des précisions auprès du ministre des Finances, Nestor Ntahontuye, concernant l’instauration de cette carte d’assurance maladie (CAM), prévue dans la loi budgétaire 2024-2025. Le ministre des Finances a opposé une fin de non-recevoir catégorique. « Je ne donne pas d’informations aux médias privés, surtout lorsqu’il s’agit d’informations officielles », a-t-il déclaré. (INFO SOS Médias Burundi)
Cette déclaration a immédiatement provoqué une vive indignation dans le milieu journalistique. Un directeur de radio, choqué par cette attitude, a dénoncé « une honte dans un pays qui se dit démocratique ». Il rappelle d’ailleurs que le président de la République lui-même a promu le slogan « Jamais sans les médias ».
Un mauvais signal pour la communication gouvernementale
Plusieurs journalistes et analystes considèrent que cette prise de position du ministre Ntahontuye est préoccupante. « Si un ministre ose tenir un tel langage, à quoi devons-nous nous attendre de la part des autres responsables ? », s’interroge un professionnel des médias.
La frustration est d’autant plus grande que les responsables de presse ont, à plusieurs reprises, alerté les autorités sur les difficultés d’accès à l’information. Ils dénoncent une tendance persistante des pouvoirs publics à retenir les informations essentielles ou à maltraiter les journalistes en quête de réponses.
Les médias interpellent les instances de régulation
Face à cette situation, les acteurs médiatiques demandent au Conseil National de la Communication (CNC) et au ministère en charge de la Communication d’intervenir rapidement. Ils réclament un rappel à l’ordre des autorités publiques afin que celles-ci respectent leur devoir de transparence et de communication, essentiel à la démocratie et à l’accès à l’information pour tous les citoyens burundais.
Le Burundi, classé parmi les pays répressifs pour la liberté de la presse, continue de faire face à des défis importants dans ce domaine. En mai 2015, de nombreuses radios ont été détruites, et une centaine de journalistes ont été contraints à l’exil.
Dans le classement de la liberté de la presse établi par RSF (Reporters Sans Frontières) chaque année, la petite nation de l’Afrique de l’est occupe la 108e place sur 180 pays en 2024.
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Photo : Nestor Ntahontuye, le ministre burundais des Finances qui a fermé la porte aux médias privés, DR

