Cibitoke : des entraînements militaires des Imbonerakure inquiètent la population

Alors que des tirs d’armes lourdes résonnent dans la province de Cibitoke, la population s’inquiète de l’intensification des entraînements militaires des Imbonerakure. Ces exercices, menés sous l’encadrement d’ex-rebelles et de militaires, ravivent les soupçons d’une implication dans le conflit en RDC voisine. (INFO SOS Médias Burundi)
Dans la province de Cibitoke, au nord-ouest du Burundi, les exercices militaires menés à grande échelle par les Imbonerakure, la ligue des jeunes du parti au pouvoir (CNDD-FDD), suscitent une vive inquiétude parmi les habitants.
Ces entraînements se déroulent principalement au champ de tir de Cishemere, à moins d’un kilomètre du bureau provincial. Les détonations d’armes lourdes et de petits calibres, entendues jusque dans le site de transit des réfugiés congolais, alimentent un climat de peur dans une région déjà marquée par l’instabilité.
Des formations aux tactiques militaires sous encadrement d’ex-rebelles
Selon plusieurs témoins, ces jeunes recrues, majoritairement issues des provinces de Cibitoke, Kayanza, Bubanza et Bujumbura, sont formées au maniement des armes et aux stratégies militaires. L’encadrement est assuré par d’anciens combattants du CNDD-FDD ainsi que par des instructeurs issus des Forces de défense nationale du Burundi (FDNB) et des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).
Parmi les compétences enseignées figure la collecte de renseignements sur l’ennemi, une technique qui, selon des observateurs, pourrait être liée à un engagement futur dans le conflit opposant les rebelles du M23 aux forces armées congolaises à l’est de la République démocratique du Congo.
Une implication supposée dans la guerre du M23
Des sources militaires suggèrent que ces entraînements viseraient à préparer les Imbonerakure à soutenir les forces burundaises et congolaises dans leur lutte contre le M23. Cependant, cette hypothèse inquiète de nombreux habitants, qui doutent de la capacité de ces jeunes recrues à affronter un conflit aussi complexe et meurtrier.
Dans cette guerre où les forces congolaises et burundaises ont déjà essuyé de lourdes pertes dans les combats contre les rebelles du M23, certains parents expriment leur détresse. Un père, ayant perdu deux de ses fils lors des combats à Kamanyola ( Sud-Kivu à l’est du Congo), dénonce une « instrumentalisation de la jeunesse » et exhorte les autorités à investir dans le développement du pays plutôt que d’envoyer les jeunes combattre dans un conflit qui ne les concerne pas directement.
Les autorités minimisent les accusations
Face à ces préoccupations, le responsable de la ligue des jeunes du CNDD-FDD rejette toute implication directe des Imbonerakure dans la guerre du M23. Il reconnaît néanmoins que des sessions de formation sont organisées, mais insiste sur leur nature « patriotique et civique ».
De son côté, le commandant du 112ᵉ bataillon d’infanterie de Cibitoke affirme que les tirs entendus dans la région relèvent d’« exercices militaires réguliers » et appelle la population ainsi que les réfugiés à éviter la zone lors des entraînements à balles réelles.
Alors que ces explications peinent à rassurer, la militarisation croissante des jeunes et l’implication supposée du Burundi dans le conflit congolais continuent d’alimenter de vives inquiétudes dans la province de Cibitoke.
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Photo : des Imbonerakure et anciens combattants du CNDD-FDD participent dans une parade militaire en province de Cibitoke dans le nord-ouest du Burundi, octobre 2024 © SOS Médias Burundi