Mabayi : l’administratrice communale interdit aux filles et aux femmes de travailler dans les bars et bistrots

Une décision controversée prise par l’administration communale de Mabayi interdit aux femmes de travailler dans les établissements de boisson, invoquant des raisons sécuritaires. Cette mesure suscite de vives réactions parmi les défenseurs des droits des femmes. (INFO SOS Médias Burundi)
L’administration communale de Mabayi, en province de Cibitoke (nord-ouest du Burundi), a annoncé, dans un communiqué publié le 18 février 2025, l’interdiction pour les filles et les femmes d’exercer toute activité professionnelle dans les bars et bistrots de la commune. Cette décision suscite une vive controverse, opposant défenseurs des droits des femmes et autorités locales qui évoquent des impératifs sécuritaires.
Une interdiction immédiate et stricte
Dans ce communiqué signé par Jeanne Izomporera, administratrice de la commune de Mabayi, en province de Cibitoke dans le nord-ouest du Burundi, plusieurs mesures ont été édictées et rendues immédiatement applicables. Désormais, les filles et les femmes ne pourront plus travailler dans les bars, bistrots, cabarets et buvettes de la commune. Celles qui y étaient déjà employées sont sommées de quitter leur poste sans délai.
L’administration communale impose également de nouvelles restrictions aux établissements concernés : ils devront fermer à 21h, tandis que les femmes devront impérativement quitter les lieux avant 20h. La diffusion de musique après 19h est également interdite, aussi bien dans les bars que dans les boutiques. Une autre mesure controversée stipule que les filles et les femmes ne peuvent plus louer de logement et y vivre seules.
Des mesures justifiées par des raisons de sécurité
Mabayi, basée en province de Cibitoke, est située dans une région frontalière de la République démocratique du Congo (RDC). Depuis le début du mois de février 2025, environ 10.000 réfugiés congolais sur 42.000 que le Burundi a reçus, ont traversé la rivière Rusizi pour rejoindre le Burundi, fuyant les affrontements entre les Forces armées de la RDC (FARDC), leurs alliés et les rebelles du M23. La Rusizi sépare le Burundi et le vaste pays de l’Afrique centrale.
Selon une source au sein de l’administration communale, cette interdiction vise à prévenir tout « risque d’infiltration de personnes suspectes » par le biais des bars et bistrots, considérés comme des points d’entrée privilégiés pour d’éventuels individus dangereux. Les autorités locales estiment que ces mesures sont nécessaires pour garantir la sécurité dans un contexte de tensions accrues.
Vives protestations des défenseurs des droits des femmes
Si les autorités justifient ces restrictions par des impératifs sécuritaires, des groupes de défense des droits des femmes dénoncent une « atteinte flagrante aux droits fondamentaux ». Selon eux, ces décisions restreignent l’autonomie professionnelle des femmes et leur droit au logement, les marginalisant davantage dans la société.
« Cette réglementation punit une catégorie précise de la population, en limitant leur liberté d’expression et leur capacité à subvenir à leurs besoins », dénoncent certaines militantes féministes. Elles estiment que ces restrictions créent une inégalité flagrante en excluant spécifiquement les femmes de certains secteurs d’activité.
De leur côté, les partisans de la mesure espèrent qu’elle permettra d’instaurer un climat de sérénité dans une zone fragilisée par l’instabilité régionale. Toutefois, les défenseurs des droits humains appellent à une réévaluation de la décision, avertissant qu’elle risque d’exacerber les inégalités et d’aggraver la précarité des femmes concernées.
La controverse est loin d’être résolue et l’avenir de ces mesures reste incertain. Cet épisode s’inscrit dans un contexte plus large de tensions régionales et de défis sécuritaires, où chaque décision politique est scrutée tant pour son impact sur la stabilité que pour ses conséquences sur les droits fondamentaux des citoyens.
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Photo : un centre de négoce à Mabayi où les filles et femmes ont été interdites de travailler dans les établissements de boisson © SOS Médias Burundi