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Bubanza : un enseignant menacé de mort en raison de son appartenance ethnique

Des habitants expropriés de leurs terres à Mudubugu organisent un sit-in devant les bureaux de l'ancienne province de Bubanza, octobre 2022 © SOS Médias Burundi

Un enseignant de l’école fondamentale de Gitsira a été victime de menaces de mort sur son chemin du retour. L’agression, qui aurait un mobile ethnique, suscite des interrogations et met en lumière les tensions locales. Malgré l’arrestation de deux suspects, l’enseignant craint toujours pour sa sécurité et demande sa mutation. (SOS Médias Burundi)

Cet enseignant de l’école fondamentale (Ecofo) Gitsira, située en zone Muramba, dans la province de Bubanza à l’ouest du Burundi, affirme craindre pour sa vie après avoir reçu des menaces de mort de la part d’un groupe de jeunes. Selon lui, ces menaces seraient motivées par son appartenance à l’ethnie tutsi. Deux suspects ont été interpellés et placés en détention au cachot communal.

Une attaque en plein jour

Les faits se sont produits aux environs de 15h, une fois les cours terminés pour la journée. Comme à son habitude, Boniface Ndayishimiye, enseignant d’anglais à l’Ecofo Gitsira, quittait l’établissement pour rentrer à son domicile, situé au centre-ville de Bubanza. Son trajet, qui dure environ deux heures à pied, a été interrompu à mi-chemin par un jeune de 17 ans, Schadrack Dushimirimana, habitant de la colline Giko.

Selon l’enseignant, l’adolescent lui a bloqué la route en le menaçant de mort, lui reprochant son origine tutsi. « Tutsi, ce que vous faites, nous sommes au courant. Nous n’allons pas permettre votre existence ici », aurait-il lancé, tout en brandissant une arme blanche.

Une situation tendue

Boniface Ndayishimiye raconte que son agresseur parlait à haute voix, attirant ainsi l’attention des riverains. Une femme témoin de la scène a confirmé la gravité de la situation. Alors que plusieurs personnes s’approchaient, un autre individu est intervenu : Emmanuel Ntahomvukiye, un ex-prisonnier ayant purgé neuf ans pour homicide. Armé d’une machette et d’un arc, il aurait renforcé la menace contre l’enseignant.

Face à cette escalade de violence, des habitants, ainsi que le chef de colline et certains membres des Imbonerakure (ligue des jeunes du parti CNDD-FDD), sont intervenus pour calmer la situation. Ils ont pu maîtriser Dushimirimana mais ont hésité à s’opposer directement à Ntahomvukiye.

Interpellation des suspects et inquiétude de l’enseignant

Alertés, des agents du commissariat communal de Bubanza sont intervenus et ont procédé à l’arrestation des deux jeunes vers 17h. Une enquête est actuellement en cours pour éclaircir les circonstances de l’incident.

Pendant ce temps, Boniface Ndayishimiye exprime une profonde angoisse quant à sa sécurité. « Aller enseigner à Gitsira alors que je dois traverser cet endroit où j’ai été terrorisé et menacé de mort, seul, cela met ma vie en danger », confie-t-il. Il demande à être réaffecté dans un autre établissement pour assurer sa sécurité.

Une mutation qui tarde

La direction provinciale et communale de l’éducation est informée de la situation depuis le 12 février, mais aucune décision n’a encore été prise quant à la mutation de l’enseignant. Cette inaction suscite des interrogations sur les motivations réelles de l’attaque.

S’agit-il d’une conséquence des tensions liées au conflit en République démocratique du Congo ? D’une manipulation des Imbonerakure sur la conduite à tenir en cette période ? Autant de questions qui restent en suspens.

Fait notable, l’enseignant concerné est membre du CNDD-FDD depuis deux ans, un élément qui ajoute une complexité supplémentaire à cette affaire.

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Photo : le bâtiment abritant le bureau provincial de Bubanza à l’ouest du Burundi © SOS Médias Burundi