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Bujumbura : vague d’arrestations et d’expulsions semant la panique parmi les étudiants congolais et la communauté Banyamulenge

La guerre qui ravage l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), impliquant le M23, accusé d’être soutenu par l’armée rwandaise, et les forces armées congolaises alliées aux groupes locaux et à l’armée burundaise, a provoqué des paniques au Burundi, ciblant particulièrement les étudiants congolais et les membres de la communauté Banyamulenge, qu’ils soient réfugiés ou non. L’augmentation des arrestations, surtout durant le week-end dernier à Bujumbura,la ville commerciale, et les récentes expulsions de réfugiés originaires de camps résidant en milieu urbain dans différents centres à l’intérieur du pays ont plongé ces populations dans une profonde panique. (SOS Médias Burundi)

Les arrestations survenues surtout le samedi 15 février, ont créé un sentiment d’insécurité palpable. Plusieurs étudiants congolais ont été appréhendés sans explication claire, laissant leurs camarades inquiets pour leur sécurité.

« J’ai entendu dire que des amis ont été arrêtés puis embarqués dans des fourgons afin qu’ils soient renvoyés dans leur pays alors que la guerre ne cesse d’augmenter dans notre province. C’est terrifiant. Nous exigeons que notre ambassade fasse quelque chose », confie un étudiant congolais. Il est originaire de la province du Sud-Kivu à l’est du Congo dont la capitale a été récupérée par les rebelles du M23 vendredi dernier.

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« Nous sommes venus ici pour étudier, pas pour être traités comme des criminels », insiste-t-il.

Aristide, étudiant à l’Université Lumière de Bujumbura, l’une des plus anciennes universités privées qui acceuillent des étudiants originaires des pays voisins dont le Rwanda et la RDC, témoigne : « Hier, mon frère a été arrêté alors qu’il se rendait à l’Université. Il avait sa carte d’étudiant et tous ses documents de migration en règle. Les agents de sécurité ne lui ont donné aucune explication avant de l’embarquer. Dieu aidant, il a été libéré le soir. C’était choquant de voir cela se produire. Nous avons essayé de demander des informations, mais personne ne voulait nous écouter. C’est une situation qui nous laisse très inquiets pour notre sécurité ». Le jeune Aristide s’est entretenu avec SOS Médias Burundi ce dimanche.

Jean, membre de la communauté Banyamulenge, ajoute : « On nous accuse d’être des Tutsis, comme les rebelles du M23, et on nous soupçonne d’être des espions du Rwanda à cause de notre ascendance rwandaise. C’est injuste ! Certains d’entre nous ne sont pas réfugiés, d’autres le sont, et nous sommes tous apolitiques. Nous sommes sous la sécurité du Burundi. Comment peut-on nous juger comme une source d’insécurité ? Nous sommes avant tout des êtres humains qui veulent vivre en paix. Ces arrestations nous rappellent les heures les plus sombres de notre histoire ».

D’autres Congolais qui ont fui récemment vers le Burundi dont ceux qui habitaient la ville de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu prise par les rebelles du M23 le 27 janvier dernier, ont aussi été interpellés par les services burundais, envoyés dans des cachots clandestins avant d’être libérés. Ces faits sont également intervenus le week-end dernier dans la capitale économique.

« Certains ont été sauvés par des certificats médicaux dont ils étaient munis », a-t-on appris.

Plusieurs Congolais dont des étudiants dans un camion de la police qui les emmène dans un cachot de la capitale économique Bujumbura, le 15 février 2025, DR

Eraste témoigne : «Nous traversons des moments difficiles. Ces derniers temps, les déplacements pour les réfugiés sont devenus de plus en plus difficiles. Au moindre geste, on nous arrête, surtout quand il s’agit d’un membre de la communauté Banyamulenge. On nous accuse d’être des Tutsis, on dit que nous avons les mêmes origines que le président du Rwanda et les rebelles du M23. Nos familles sont stigmatisées, et beaucoup de nos jeunes sont arrêtés sans raison valable. Les discours haineux sur les réseaux sociaux nous mettent en danger. Nous avons besoin d’une protection ».

De nombreux réfugiés résidant à Bujumbura et originaires des camps ont commencé à regagner leurs sites respectifs, tandis que ceux dont le statut de réfugié est urbain vivent dans une panique extrême.

Les étudiants originaires de la RDC ont alerté leur ambassade au Burundi et le gouvernement burundais sur leur sécurité.

La situation des étudiants congolais et des réfugiés congolais, en particulier les membres de la communauté Banyamulenge au Burundi, est de plus en plus précaire.

La guerre qui ravage l’Est du vaste pays de l’Afrique centrale, dont la province du Sud-Kivu, frontalière avec le Burundi, et l’implication de la FDNB (Force de défense nationale du Burundi) dans ce conflit ont exacerbé les tensions, plongeant la population burundaise et les étrangers résidant au Burundi dans un climat de peur et d’incertitude. Une intervention de la communauté internationale et une volonté politique du gouvernement burundais pourraient apaiser les tensions et éviter une catastrophe humanitaire.

La plupart de personnes qui avaient été appréhendées le week-end dernier, ont été relâchéess. Mais plusieurs Congolais vivant surtout à l’étranger, ont exprimé des inquiétudes sur les réseaux sociaux face à cette situation, estimant que « les autorités burundaises aussi nous abandonnent en ces moments durs ».

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Photo : de nouveaux réfugiés congolais reçus en province de Cibitoke dans le nord-ouest du Burundi, le 15 février 2025 © SOS Médias Burundi