Derniers articles

Bukavu sous contrôle des rebelles du M23 : une panique généralisée

La ville de Bukavu est tombée aux mains des rebelles du M23 le vendredi 14 février 2025. Après la prise de l’aéroport de Kavumu, ces derniers ont progressé sans grande résistance vers le centre-ville, provoquant une vague de panique parmi les habitants. La situation demeure incertaine alors que les FARDC (Forces Armées de la République démocratique du Congo) se sont retirées de plusieurs positions stratégiques. (SOS Médias Burundi)

Les rebelles du Mouvement du 23 mars (M23) ont pris le contrôle de la ville de Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC), ce vendredi 14 février 2025 dans la soirée. Cette nouvelle occupation fait suite à de violents affrontements ayant commencés à Katana, avant de s’étendre jusqu’à l’aéroport de Kavumu, que les rebelles ont conquis aux alentours de 15 heures.

Le M23 en pleine progression vers Bukavu

D’après la société civile de Bukavu, les combattants du M23 sont désormais présents dans le centre-ville et ses environs, poursuivant des opérations de ratissage en périphérie. Cette information a été confirmée par Jean Chrysostome Nakijana, président de la Nouvelle Société Civile de Bukavu, qui assure que l’aéroport de Kavumu, situé à 30 km de Bukavu, est sous contrôle total du M23.

« La prise de l’aéroport de Kavumu, le deuxième plus important du Grand Kivu après celui de Goma, renforce stratégiquement la position des rebelles, qui poursuivent leur avancée dans le territoire de Kabare. »

Selon Nakijana, les premiers signes d’un basculement de la ville sont apparus dans l’après-midi : « Vers 14h, nous avons observé un mouvement inhabituel des FARDC se retirant de Kavumu vers Bukavu. Peu après, nous avons appris que l’aéroport était tombé aux mains du M23. Dans les deux heures suivantes, les rebelles étaient déjà dans la ville, sans qu’aucune résistance significative ne soit opposée aux entrées de Bukavu. »

Une population en proie à la panique

L’occupation de Bukavu a plongé la population dans la crainte et l’incertitude. Un habitant de Kadutu, interrogé par SOS Médias Burundi, témoigne : « Je suis cloîtré chez moi. La situation devient critique, personne n’ose sortir. Nous craignons d’éventuels bombardements. »

Des rebelles du M23 à l’aéroport de Kavumu, février 2025, DR

D’autres habitants rapportent que les rues sont désertes et que la plupart des commerces et services ont cessé leurs activités.

Une paralysie économique totale

L’avancée du M23 a entraîné un arrêt quasi total des activités économiques à Bukavu et ses alentours. Le port public est resté fermé toute la journée, selon un poissonnier exerçant sur le lac Kivu : « Depuis ce matin, tout est à l’arrêt. Avec l’arrivée du M23, la peur est palpable et personne n’ose reprendre ses activités. »

Un retrait stratégique des FARDC ?

Jeudi 13 février, les Forces armées de la RDC (FARDC) et leurs alliés avaient résisté à une première offensive du M23 visant l’aéroport de Kavumu. Cependant, selon des sources locales, aucune confrontation n’a eu lieu lors de la chute de Kavumu, les FARDC s’étant retirées sans combat. « Les forces gouvernementales ont préféré se retirer afin de protéger les populations civiles, » explique un témoin.

Des réfugiés congolais accueillis en province de Cibitoke dans le nord-ouest du Burundi, le 15 février 2025 © SOS Médias Burundi

D’autres Congolais reprochent à leur armée d’avoir échoué à protéger l’intégrité territoriale.

« Partout où le M23 passe, nos militaires ne résistent plus. Ça aurait été honnête de dire que la ville de Bukavu a été cédée aux rebelles du M23 au lieu de dire qu’elle a été récupérée par les rebelles car il n’y a pas eu de combats », se désole une Congolaise basée dans la capitale Kinshasa. Elle a sa famille au chef-lieu du Sud-Kivu. Selon elle, « c’est honteux de demander à des militaires affamés, mal équipés et dont le salaire n’est pas versé régulièrement de résister face à des rebelles hautement équipés et disciplinés ».

Une situation humanitaire critique

Après la prise de l’aéroport de Goma au Nord-Kivu, le M23 contrôle désormais deux grandes villes stratégiques de l’Est de la RDC. Cette occupation risque d’aggraver encore la crise humanitaire pour les populations du Kivu, déjà fragilisées par des décennies de conflits et de déplacements forcés.

Ce week-end, plusieurs centaines de Congolais ont continué de fuir vers le Burundi, se dirigeant surtout dans la ville commerciale Bujumbura par voie routière, ou en province de Cibitoke dans le nord-ouest du Burundi via la rivière Rusizi, séparant le vaste pays de l’Afrique centrale et la petite nation de l’Afrique de l’est.

_________________________________________________

Photo : des éléments du M23 à la frontière de Rusizi, entre le Congo et le Rwanda, février 2025 © SOS Médias Burundi