Derniers articles

Muyinga-Ngozi : expulsion des réfugiés congolais urbains

À Muyinga dans le nord-est du Burundi, une centaine de réfugiés originaires des camps de Musasa en province de Ngozi ( nord) et de Kinama en province de Muyinga , ont été expulsés vendredi dernier pour retourner dans leurs camps respectifs. D’autres réfugiés dont le nombre n’est pas encore déterminé, ont été chassés de la ville de Ngozi. La plupart des expulsés est composée des réfugiés- membres de la Communauté Banyamulenge. (SOS Médias Burundi)

Cette décision a été justifiée par des préoccupations concernant la sécurité des réfugiés, surtout à l’approche des élections au Burundi, ainsi que par les tensions croissantes dans la région des Grands-Lacs d’Afrique, exacerbées par le conflit dans l’est du Congo où les militaires burundais interviennent aux côtés des FARDC ( Forces Armées de la République démocratique du Congo) dans les combats contre le M23, un groupe armé accusé de recevoir le soutien du Rwanda.

Les autorités burundaises craignent que la situation ne dégénère en un conflit régional. Les réfugiés, qui avaient été autorisés à résider à Muyinga pour diverses raisons, se retrouvent désormais dans une situation précaire. Certains d’entre eux avaient quitté le camp pour permettre à leurs enfants de fréquenter les écoles burundaises.

Claude, père de quatre enfants qui fréquentent une école privée de la région, explique : « j’ai quitté le camp pour offrir à mes quatre enfants un accès à une éducation de qualité. À Muyinga, mes enfants ont intégré le système éducatif burundais et ont déjà terminé le premier trimestre. Le retour au camp signifie pour moi que mes enfants doivent abandonner leurs études en cours. Le système éducatif congolais, dans lequel ils doivent maintenant s’inscrire, est déjà bien avancé dans l’année scolaire. Mes enfants avaient commencé à s’épanouir ici ». Il dit que ses petits avaient des amis et des enseignants qui se souciaient d’eux.

« Maintenant, je crains qu’ils ne soient perdus dans un nouveau système où ils ne pourront pas suivre les cours ». Claude est dévasté par la perspective de voir ses enfants perdre une année d’études et se demande comment il pourra les aider à rattraper leur retard.

Des réfugiés congolais sur un puit d’eau dans le nord-est du Burundi © SOS Médias Burundi

D’autres réfugiés résidaient à Muyinga pour établir de petits commerces afin de subvenir aux besoins de leurs familles. Jeannette témoigne : « À Muyinga, j’avais réussi à établir un petit commerce de produits alimentaires qui m’avait permise de subvenir aux besoins de ma famille. L’expulsion a des conséquences désastreuses pour moi. J’avais construit une vie ici ». Son commerce était sa seule source de revenus.

« Et maintenant, tout cela est perdu. En retournant au camp, je me retrouve face à une incertitude économique. C’est un retour à la précarité totale ». Jeannette exprime sa peur de devoir compter sur l’aide humanitaire, souvent insuffisante pour répondre aux besoins de base de sa famille.

D’autres réfugiés s’étaient également installés dans le centre de Muyinga pour bénéficier de soins médicaux accessibles. Stéphan, qui avait quitté son pays en raison d’une maladie chronique nécessitant des soins réguliers, déclare : « À Muyinga, j’avais accès à des traitements adéquats et à un suivi médical. Le retour au camp représente un risque accru pour ma santé. J’avais trouvé des médecins qui comprenaient ma condition et qui m’aidaient à gérer ma maladie. Maintenant, je ne sais pas si je pourrai continuer mon traitement ». Les conditions dans le camp sont précaires et l’accès aux soins médicaux y est limité. Stéphan craint que son état de santé se détériore sans les soins appropriés qu’il recevait auparavant. « Je suis terrifié par ce que cela signifie pour moi et pour ma famille », conclut-il.

SOS Médias Burundi a appris que plusieurs autres réfugiés congolais basés dans le centre urbain de Ngozi, ont aussi été chassés de cette ville la semaine dernière.

Le retour des réfugiés dans les sites a des répercussions sur leur quotidien. Ceux qui avaient établi des commerces sont contraints de suspendre leurs activités, perdant ainsi leur source de revenus. Les enfants, qui avaient trouvé un environnement scolaire stable, se retrouvent maintenant confrontés à l’incertitude quant à leur éducation. De plus, ceux qui logeaient chez des Burundais ont dû abandonner leur argent de garantie et, lors de leur retour au camp, certains sont dans l’inquiétude que leurs logements auraient été attribués à d’autres.

Une partie du camp de Kinama en province de Muyinga © SOS Médias Burundi

Notons que les réfugiés au Burundi vivent dans cinq camps : Nyankanda, Bwagiriza, Kavumu, Musasa et Kinama, dans les provinces de Muyinga et Ngozi, Cankuzo et Ruyigi dans l’est, ainsi que sur le site de Giharo en province de Rutana au sud-est.

D’autres réfugiés résident en milieu urbain, notamment à Bujumbura, la capitale économique, et à Rumonge dans le sud-ouest. Cependant, certains quittent les camps pour résider dans les centres-villes de l’intérieur du pays pour des raisons diverses.

Selon des témoins, la majorité des expulsés est composée des réfugiés-membres de la Communauté Banyamulenge. Au Burundi, les Banyamulenge sont souvent assimilés aux Rwandais tout comme au Congo où une certaine opinion les considère comme  » des étrangers qui ont migré vers notre pays ». Le Burundi compte à ce jour, plus de 86.000 réfugiés congolais. Ils sont faits essentiellement de Banyamulenge, originaires de la province du Sud-Kivu à l’est du Congo, qui fait frontière avec la petite nation de l’Afrique de l’est.

________________________________________________

Photo : des réfugiés congolais au camp de Musasa au nord du Burundi © SOS Médias Burundi