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Cibitoke : grogne des agriculteurs face à l’expropriation de leurs terres par le Premier minister

Les agriculteurs des communes de la province de Cibitoke, située au nord-ouest du Burundi, expriment leur profond mécontentement suite à l’expropriation de leurs terres, une décision prise par le Premier ministre. Gervais Ndirakobuca est natif de cette province. (SOS Médias Burundi)

Ces terres, selon les habitants concernés, leur ont été léguées par leurs ancêtres. Cependant, l’administration provinciale affirme qu’il s’agit de terrains appartenant au patrimoine de l’État, ce qui justifie leur récupération dans le cadre d’une vaste opération visant à restituer à l’État ses biens domaniaux.

Des témoignages alarmants

Selon des témoins sur place, ces expropriations concernent principalement d’anciennes propriétés de la société agro-pastorale Rugofarm, situées dans la commune de Rugombo. Ces terrains auraient été, pour une large part, attribués au chef de l’exécutif burundais. Les paysans qui exploitaient ces terres dénoncent une « dérive autoritaire » et affirment que leurs champs, même en pleine période de récolte, ont été confisqués par la force.

Des sources concordantes rapportent que ces terrains sont aujourd’hui destinés à de nouvelles infrastructures agricoles, notamment des bâtiments de stockage pour la production agricole et l’élevage. Un responsable administratif local, préférant garder l’anonymat, ajoute : « les cultivateurs sont expulsés sans autre forme de procès, et les terrains sont agrandis pour de nouvelles utilisations.»

Une vague d’expropriations étendue

Récemment, des expropriations massives ont été observées à proximité du chef-lieu de Rugombo, sur les sous-collines de Mbaza-Miduha, Rukana 2 et Rusiga, situées non loin de la rivière Rusizi qui sépare le Burundi de la République démocratique du Congo. Des hectares de terres sur les collines de Myave et Ndora, dans la commune natale du Premier ministre à Bukinanyana, ainsi que sur celle de Buhoro en commune Mabayi, ont également été concernés.

Des membres des familles qui ont trouvé refuge à Sange dans le Sud-Kivu à l’est du Congo, après la spoliation de leurs terres à Cibitoke © SOS Médias Burundi

Un octogénaire de la région, interrogé par SOS Médias Burundi, dénonce : « ce haut gradé issu du CNDD-FDD s’accapare sans scrupules des terres héritées des ancêtres.»

Des conséquences économiques et sociales dramatiques

D’après une source locale, les terres concernées comprennent des champs de tomates, de mangues, de palmiers, de riz et de maïs, ainsi que des pâturages pour les troupeaux de vaches. Les habitants expulsés lancent un appel à l’aide, affirmant que cette situation menace directement leur subsistance et pourrait entraîner une disette pour leurs familles. Ils demandent le retour de leurs terres et accusent le Premier ministre d’abus de pouvoir.

« Nous exhortons les autorités compétentes à nous rendre nos terres et à respecter nos droits,» déclare un groupe de familles expulsées. Toutefois, leurs appels restent jusqu’à présent sans réponse.

La réponse de l’administration

Contacté à ce sujet, le gouverneur de Cibitoke rejette ces accusations.

De nouveaux bâtiments qui naissent sur les anciens terrains de la société agro-pastorale Rugofarm. Ils appartiennent au premier ministre Gervais Ndirakobuca, janvier 2025 © SOS Médias Burundi

« Ces terres faisaient partie du patrimoine de l’État et avaient été illégalement exploitées par des particuliers pendant les années de crise», explique Carême Bizoza, gouverneur de Cibitoke. Il justifie l’opération comme une mesure de rétablissement des droits de l’État, tout en évitant de commenter les allégations selon lesquelles ces terres seraient attribuées à des hauts responsables proches du parti au pouvoir.

Selon le gouverneur, la récupération des terrains de culture appartenant au domaine public se poursuivra jusqu’à ce que l’État soit entièrement réhabilité dans ses droits.

Une situation qui interrogee

Malgré les justifications avancées par les autorités, la colère des agriculteurs de Cibitoke continue de croître. La question demeure : dans quelle mesure les droits des populations locales peuvent-ils être préservés face aux actions de l’État et des dirigeants politiques ?

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Photo : un nouveau projet du premier ministre Gervais Ndirakobuca réalisé sur les anciennes propriétés de la société agro-pastorale Rugofarm, janvier 2025 © SOS Médias Burundi