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Guerre dans l’Est du Congo : veulent-ils que j’aille dire aux gens d’accepter de se taire alors que leurs droits leur sont refusés ? Je ne le ferai jamais (Paul Kagame)

Le président rwandais Paul Kagame a affirmé jeudi qu’il n’ira jamais convaincre les rebelles du M23 de déposer les armes alors qu’ils sont fréquemment attaqués par l’armée congolaise et ses alliés au moment où il y a un cessez-le-feu en cours. Durant sa toute première conférence de presse de 2025, M. Kagame a condamné les membres de la Communauté internationale qui « tournent autour du pot  » alors que les solutions à la crise congolaise sont claires et limpides. Il a indiqué que le seul blâme qu’il peut accepter est celui de veiller sur la sécurité des Rwandais. Il a répété que le Rwanda se défendra par quelque moyen que ce soit. Pour lui, les problèmes des communautés rwandophones au Congo doivent trouver des solutions tout comme la présence des génocidaires Hutus-FDLR sur le sol congolais devrait interpeller la Communauté internationale qui semble les amadouer. (SOS Médias Burundi)

Le président Kagame a commencé, en répondant à la question sur la crise congolaise posée par un journaliste local, par donner l’historique et l’origine des combattants du M23.

« Ces gens sont d’origine rwandaise. La majorité d’entre eux, le Congo les a trouvés là où ils sont ou là où ils étaient », a-t-il dit rappelant que c’est lié au passé colonial ,avec la délimitation des frontières.

Kagame peut parler au M23 ?

Le président rwandais admet qu’il peut parler au M23 et qu’il l’a déjà fait une fois , « par politesse » sur la demande du président français Emmanuel Macron lors de leur rencontre avec Tshisekedi en septembre 2022. À l’époque, le président Macron voulait que les rebelles cèdent la cité de Bunagana, frontalière avec l’Ouganda comme signe d’engagement pour le dialogue. Le président rwandais affirme qu’il a transmis le message à travers ses services de renseignements mais qu’à sa grande surprise, le M23 a été attaqué au moment où il se préparait à quitter Bunagana.

« Depuis ce temps-là, les mêmes choses se sont répétées à maintes reprises. Les forces loyalistes attaquent ,la plupart du temps elles sont repoussées et il y a un haut parleur partout qui annonce comment le M23 a violé le cessez-le-feu. Vous attaquez, nous combattons, je te repousse et je suis celui qui a violé le cessez-le-feu », a-t-il ajouté en riant.

« En toute conscience, vous voulez aussi que j’aille dire aux gens qu’ils devaient accepter qu’on leur refuse leurs droits et garder le silence parce que certaines puissances ne sont pas contentes ! Peut-être que c’est cela qu’ils veulent que j’aille dire à ces gens : je ne peux pas ! Je ne le ferai jamais ! » a déclaré Paul Kagame.

Les nouveaux leaders du M23 sont venus de l’Ouganda

En 2012 et 2013, des combattants du M23, chassés de la RDC, ont fui vers le Rwanda et l’Ouganda, la province du Nord-Kivu où ils étaient installés étant frontalière avec les deux pays. Ils venaient d’occuper la capitale de cette province- Goma, pendant une semaine avant de commencer à se retirer le 28 novembre 2012.

Les présidents Évariste Ndayishimiye et Paul Kagame en marge d’un sommet sur la crise congolaise dans la ville commerciale Bujumbura, mai 2023

Cette ancienne rébellion Tutsi a repris les armes fin 2021,reprochant aux autorités congolaises de n’avoir pas respecté leurs engagements sur la réinsertion de ses combattants. Paul Kagame a révélé que leurs leaders actuels et le plus grand nombre de combattants sont rentrés de l’Ouganda.

« Ces leaders du M23 et la majorité de leurs combattants sont venus de l’Ouganda où ils ont été en tant que réfugiés qui avaient fui à la suite de la résolution du problème de 2012-2013 quand ces gens se sont déplacés vers l’Ouganda », a-t-il dit.

Il a ajouté qu’un autre groupe , entre 500 et 600 combattants s’était réfugié au Rwanda et que ce pays les a désarmés avant de remettre leurs armes aux autorités congolaises et de les cantonner dans un camp. « Mais ce ne sont pas ceux-ci qui ont commencé les combats. Et si vous voulez voir où se trouvent ces gens, la plupart d’entre eux sont toujours ici ».

« Les combats ont été initiés par le groupe principal qui était en Ouganda d’où il est venu », a-t-il insisté avant de questionner « comment est-il devenu un problème rwandais ? »

Pour le chef de l’État rwandais, il y a certaines raisons qui expliquent les soupçons du Congo. Premièrement parce que les rebelles du M23 sont rwandophones, ce qui est devenu leur crime principal au Congo « ce qui leur a valu la persécution ». L’autre raison, selon Paul Kagame, c’est la présence des génocidaires Hutus-FDLR sur le sol congolais durant les 30 dernières années « dont la Communauté internationale se réjouit ».

« Je pense qu’elle les a délibérément préservés-je ne sais pour quelle raison, ou bien c’est un cadeau en guise de remerciement pour avoir commis le génocide ici, ou elle les préserve juste parce qu’ils sont anti-Rwanda et anti-gouvernement », a accusé le président Kagame.

Un rebelle du M23 à Bunagana, lundi 13 juin 2022
Un rebelle du M23 lors de la prise de la cité de Bunagana, frontalière avec l’Ouganda et devenue quartier général des rebelles, juin 2022 ©SOS Médias Burundi

Paul Kagame a indiqué que l’une des raisons d’être de la MONUSCO (Mission onusienne en RDC) était d’éradiquer les FDLR.

« Mais après 30 ans, si tu demandes à l’ONU ce qui s’est passé, si réellement tu leur demandes ce qu’ils ont accompli durant les 30 ans qu’ils sont là, avec des dizaines de milliards de dollars qu’ils ont dépensés, que peuvent-ils montrer en termes d’efforts fournis ? Seulement se rendre et blâmer le Rwanda pour tout ce qui se passe à l’est du Congo ? Honnêtement, durant les 30 dernières années, si quelqu’un voulait comprendre quels sont les problèmes, et quelles seraient les solutions, tu n’as même pas besoin d’être un expert, tu dois seulement avoir la volonté de résoudre ces problèmes et permettre aux gens d’avoir la paix », a enfoncé Paul Kagame.

La proposition de Kagame refusée

Le président rwandais a révélé avoir proposé un plan aux autorités congolaises depuis des années avant l’arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir et à l’administration de ce dernier en 2019 ,lequel plan aurait permis aux armées rwandaise, burundaise et ougandaise de se déployer en RDC pour éliminer les groupes armés originaires du Burundi, du Rwanda et de l’Ouganda dont les génocidaires Hutus-FDLR.

« Maintenant ce qu’ils ont fait, ils ont permis à l’Ouganda d’envoyer ses troupes pour combattre les ADF ( Forces démocratiques alliées) , ils ont permis au Burundi d’aller en RDC tranquillement pour combattre quels que soient leurs groupes qu’ils sont en train de combattre. Quand ça a été le tour du Rwanda, ils ont refusé », a-t-il clarifié.

Des pourparlers qui fatiguent

Le président rwandais a indiqué être fatigué par les déplacements pour aller s’asseoir avec des leaders qui ne sont intéressés que par la signature de documents au lieu des solutions. Il a affirmé que c’est pour cette raison qu’il ne s’est pas rendu à Luanda (Angola) mi décembre dernier.

La route principale Numéro 3 Goma- Sake- Masisi, une zone où de violents combats se poursuivent après être tombée dans les mains du M23 © SOS Médias Burundi

« Le Rwanda, au lieu d’être blâmé pour les problèmes des autres, nous sommes contents d’être blâmés pour nos propres problèmes d’essayer de nous défendre nous-mêmes. Nous nous défendrons à tout prix. Il n’y a aucun doute là-dessus. S’il y a une chose sur laquelle je peux faire des compromis, cela n’a rien à voir avec le fait de céder ne serait-ce qu’un millimètre en termes de préservation de la sécurité de notre pays. Absolument pas ! », a martelé M. Kagame.

Revenant sur les problèmes du vaste pays de l’Afrique centrale, Paul Kagame a insinué : »si vous voulez vous permettre de vous ouvrir pour être écrasés, vous serez écrasés ».

Selon le chef de l’État rwandais, le pays des mille collines abrite 130 mille réfugiés congolais, issus des communautés rwandophones. Il a dit que d’autres continuent de fuir vers le Rwanda suite à la persécution dont ils sont victimes.

Le M23 est une ancienne rébellion Tutsi qui a repris les armes fin 2021, reprochant aux autorités congolaises de n’avoir pas respecté leurs engagements sur la réinsertion de ses combattants. Les autorités congolaises restent persuadées qu’il bénéficie d’un soutien du Rwanda, ce que le gouvernement rwandais ne cesse de balayer d’un revers de la main.

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Photo : une femme et des enfants dans un camp de déplacés dans le Nord-Kivu où la population continue de fuir les hostilités entre l’armée congolaise et ses alliés et les rebelles du M23 © SOS Médias Burundi