Burundi : une fin d’année aberrante

Les citadins de la ville commerciale Bujumbura où sont concentrées les agences des Nations-Unies et l’administration centrale, ne se sont pas intéressés à faire les fêtes comme à l’accoutumée à chaque fin d’année. La raison avancée par plus d’un est la pauvreté qui affecte directement les familles avec la hausse de presque tous les produits qui sont également devenus très rares. Pire encore, plusieurs milliers de salariés dont des domestiques qui voulaient se rendre sur leur colline d’origine, n’ont pas pu trouver un bus pour s’y déplacer. (SOS Médias Burundi)
Des résidents de la capitale économique Bujumbura évoquent une situation « anormale » mais à laquelle « nous nous habituons petit à petit, la mort dans l’âme ».
« Il n’y a pas eu de fête de bonne année cette fois. La situation actuelle ne nous permet pas de célébrer avec les familles et les amis comme on avait l’habitude de le faire », regrette un père de famille qui indique que non seulement les gens connaissent des difficultés financières mais peinent aussi à trouver les produits de première nécessité.
« Nous venons de passer trois jours à la recherche des boissons pour les fêtes mais on en trouve pas », s’est désolé un autre habitant de Bujumbura qui s’est confié à SOS Médias Burundi ce 1er janvier.
« Les cabarets maintenant ont refusé de vendre les boissons aux gens qui ne sont pas sur place et nous sommes obligés de consommer dans des bars pour au moins avoir une bière ou deux à n’importe quel prix », dit un autre père de famille.

D’autres nous ont avoué que suite aux problèmes de hausse des prix et de manque de boissons Brarudi (Brasserie et limonaderies du Burundi), ils ont préféré passer la veillée du nouvel an dans des prières pour « se détendre un peu ».
Impossible de se rendre à la colline d’origine
Bujumbura reste le poumon économique pour la petite nation de l’Afrique de l’est. Plusieurs personnes qui travaillent dans cette ville commerciale ont une famille dans d’autres provinces, y compris plusieurs centaines de milliers de domestiques. Très peu ont eu un bus pour aller célébrer avec leurs familles, comme d’habitude.
Sur les parkings des bus de transport desservant d’autres provinces du pays, les gens étaient désorientés. Assis avec leurs bagages en attente de bus , ils étaient mécontents car aucun moyen de déplacement n’est rassurant.
Certaines personnes ont passé trois jours à attendre un bienfaiteur qui pouvait leur permettre d’aller partager un verre avec leurs familles-chanceuses. Les agences de voyage ont presque fermé leurs portes car elles n’ont pas pu trouver de carburant.
« Telle est l’ambiance qui règne à Bujumbura en ces jours de fêtes de fin d’année ».
Les boutiques des quartiers, derniers remparts des citadins, ne sont pas servis en boissons et certains habitants optent pour un petit repos en famille, les prix des produits alimentaires ayant également connu des augmentations croissantes.
Tout ce monde estime que le mieux serait que le gouvernement dégage de nouvelles stratégies pour faire face à cette situation.
Récemment, le président burundais Évariste Ndayishimiye a multiplié des discours qualifiés de « moqueurs » par certains analystes.
« Je le dis en blaguant car je sais que mes enfants n’ont pas faim. S’ils avaient faim, je ne prononcerais pas un tel discours, la bouche a à manger actuellement. Dieu ne cesse de bénir le Burundi », a-t-il lancé en marge d’une réunion sur le renforcement de la Banque centrale du Burundi, mi décembre.

Et de continuer sur un ton blagueur : «voulez-vous que votre monnaie soit forte? Faites comme moi. Vous savez quand l’on peut récolter 400 tonnes de pomme de terre et que l’on contemple sa production-je fais mes récoltes dans la transparence, je pense que vous voyez les images tous les jours. Quand on a 300 tonnes de pomme de terre, on collecte plusieurs billets et en plus on ne va plus au marché. Peut-on aller acheter ce que tu as déjà ? Quand tu comptes et trouves que dans un stock il y a 300 tonnes de pomme de terre, dans un autre 50 tonnes de riz, dans l’autre stock 50 tonnes de maïs ou encore de colcase, en plus de 500 lapins…Comment pourrais-je savoir qu’il y a de la pauvreté? »
Celui qui dirige le pays le plus pauvre et le plus affamé au monde s’est aussi targué de disposer de plusieurs tonnes de poissons qu’il élève dans la province de Karusi (centre-est du Burundi) dans de bassins artificiels. Le slogan du président Ndayishimiye dans un pays en train de sombrer reste « chaque bouche doit avoir à manger et chaque poche de l’argent ».
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Photo : la viande bovine inaccessible pour presque tous les habitants de Bujumbura, décembre 2024 ©SOS Médias Burundi