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Burundi : les nouvelles sanctions européennes, un message fort selon la Ligue Iteka

L’Union européenne a décidé de prolonger d’une année les sanctions prises contre le Burundi et certains membres du gouvernement en 2015. Les sanctions visaient des présumés auteurs de la répression violente des manifestations contre le dernier mandat controversé de feu président Pierre Nkurunziza, jugé d’anticonstitutionnel par la Cour de justice de l’EAC, la communauté Est-Africaine. La Ligue Iteka y voit un message fort à la veille des échéances électorales qui s’annoncent déjà mal.

INFO SOS Médias Burundi

Le Conseil de l’Union européenne a annoncé, le 22 octobre dernier, la prorogation des sanctions visant le Burundi pour une année supplémentaire, jusqu’à octobre 2025. Cette prolongation s’inscrit dans le cadre des mesures adoptées depuis 2015 en réponse aux violations persistantes des droits humains et à l’absence de réformes politiques significatives dans le pays, où la situation demeure préoccupante, d’après le communiqué de l’UE. Cette décision vise à encourager un dialogue inclusif pour un retour à la stabilité démocratique, ajoutent les 27.

Adoptée pour la première fois en 2015, cette série de sanctions visait à réagir à la détérioration de la situation politique au Burundi, provoquée par le dernier mandat controversé de l’ancien président Pierre Nkurunziza, en violation des principes démocratiques. Depuis lors, l’Union européenne continue à dénoncer les graves violations des droits humains, la répression des opposants politiques et le manque d’avancées démocratiques dans le pays.

Les mesures restrictives en place, ciblent spécifiquement des individus et des entités tenus pour responsables de violations graves des droits humains ou d’actions compromettant la paix et la stabilité. Ces sanctions incluent des gels d’avoirs et des interdictions de voyage dans les États-membres de l’Union européenne.

Un message fort…

Pour la Ligue Iteka, la plus ancienne organisation de défense des droits de l’homme au Burundi, ces sanctions renferment un message, une alerte.

“C’est un message fort, que l’Union européenne continue de suivre de près ce qui se fait au Burundi avec la reconduction du mandat du rapporteur spécial des Nations-Unies sur le Burundi”, analyse Anschaire Nikoyagize, son président.

Il rappelle que ce sont les mêmes pays de l’UE qui avaient pris l’initiative de proposer le renouvellement du mandat du diplomate Burkinabè Fortuné Gaëtan Zongo pour » zoomer les violations graves qui se commettent toujours” dans ce petit pays de l’Afrique de l’Est.

Ces sanctions sont reproduites à la veille des législatives de 2025.

“Il s’agit aussi d’une grande preuve à la veille des élection au Burundi car depuis longtemps cette période est émaillée de violations graves de droits humains. Et je ne crois pas que la prochaine période va faire une exception vu les mauvais signes sur le terrain politique”, poursuit M.Nikoyagize dont l’organisation est régulièrement référencée par les rapports du département d’Etat américain.

Il va jusqu’à espérer “malheureusement des sanctions dures à venir si le gouvernement burundais ne se ressaisisse pas”. Ces sanctions sont comme une alerte, soutient-il.

 » Le message de l’Union européenne est simple : fais attention, nous voyons ce qui se passe au Burundi ».

Les mesures restrictives actuellement en vigueur s’appliquent à une seule personne, Joseph Mathias Niyonzima surnommé Kazungu, agent du Service national des renseignements ( SNR). Il est soumis à un gel des avoirs et il est interdit aux citoyens et aux entreprises de l’Union européenne de mettre des fonds à sa disposition. Kazungu fait l’objet d’une interdiction de voyager, qui l’empêche d’entrer ou de transiter dans les pays de l’Union européenne.

Joseph Mathias Niyonzima est sous sanctions depuis 2015. Il avait été placé sous sanctions avec trois autres personnalités du régime burundais  : l’actuel Premier ministre, Gervais Ndirakobuca, feu Général de police Godefroid Bizimana, ancien directeur général adjoint de la police nationale et le Général Léonard Ngendakumana, un ancien haut responsable des services secrets burundais qui a fui le pays en 2015 suite à l’échec du coup d’Etat contre Pierre Nkurunziza au printemps de cette année.

Joseph Mathias Niyonzima surnommé Kazungu, l’agent du SNR sous sanctions européennes, DR

L’UE les a sanctionnés pour la même raison : leur implication dans les crimes de violations des droits humains en 2015.

Les sanctions ont été levées pour les trois en octobre 2022.

Une dissuasion nuancée…

La Ligue Iteka trouve que les sanctions internationales agissent lentement mais sûrement, sans faire du bruit au Burundi.

“[…] Le Burundi a quand même peur même s’il ne change pas grand chose”, nuance Anschaire Nikoyagize.

Pour preuve, explique-t-il, “avant des réunions de partenariats ou de négociations, il y a toujours eu un geste de la part du gouvernement, de libérations soit des journalistes ou des défenseurs des droits humains emprisonnés abusivement, pour bien prouver sa bonne volonté”.

Qui gouverne ?

En mars 2015, l’UE avait déjà réitéré son soutien à une solution politique basée sur le dialogue, en insistant sur la nécessité de respecter l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation, signé en 2000. Ce texte reste, aux yeux de l’UE, le socle indispensable pour rétablir la stabilité dans le pays.

Cette sortie de crise en quelque sorte oubliée reste peu envisageable selon la Ligue Iteka.

“Le pays est pris en otage par des gens qui ne se soucient pas du bien commun, on ne sait pas qui gouverne, si c’est le président qui dirige ou pas mais ce qui est sûr son entourage pèse de tout son poids pour maintenir le Burundi en otage… le pays a besoin des partenaires et la preuve en est que l’économie est à plat”, dit cet inlassable activiste qui opère depuis l’exil.

Collaboration avec les FDLR

Anschaire Nikoyagize rappelle que le Rwanda a déjà donné au gouvernement burundais une liste de centaines de génocidaires  » burundais » qui ont participé dans le génocide contre les Tutsis en 1994 au pays des mille collines.

 » Ce sont des gens qui ont le pouvoir aujourd’hui au Burundi. Ils entourent le président. Cette équipe de génocidaires a tous les pouvoirs, elle est très forte « , dit M. Nikoyagize. » La plupart a transité d’abord par les FDLR ( Forces démocratiques de libération du Rwanda) ».

Et de poursuivre : » si l’Etat de droit prend place, ils ( ces génocidaires) pourront être inquiétés. Une bonne décision ne peut jamais provenir de ces gens-là et ils n’ont pas d’autre choix que de rester enfermés au Burundi seulement ».

Pour le président de la Ligue Iteka, la relance socio-politico-économique ne passera outre la normalisation des relations diplomatiques entre le Burundi et ses partenaires ainsi que l’ultime respect des droits humains.

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Anschaire Nikoyagize, président de la Ligue Iteka