« Burundi : pays le plus affamé » : en voilà un beau « compliment » !
Un verdict sans appel. « Global Hunger Index 2024 » a publié la liste « des 20 pays africains où la faim sévit le plus ». Et devinez qui est venu en tête. Eh ben, pas besoin d’être un génie pour savoir qu’il ne peut s’agir que du … Burundi. Et s’il l’est en Afrique, on ne serait pas dans le tort de penser qu’il pourrait l’être dans le monde. Néanmoins, bravo quand même à Evariste Ndayishimiye et son équipe pour être déjà parvenus à se maintenir à ce niveau ! ( Franck Kaze)
Eh oui. Par ce « bravo », certains y verront du cynisme, mais je suis juste le chemin de la logique de ma petite analyse que j’ai publiée à travers l’article https://www.iwacu-burundi.org/burundi-ou-es-tu/ le 21 mai dernier, et qui avait valu l’ire du pouvoir par une mise en garde au journal Iwacu pour l’avoir publié. Car il faut, malheureusement, l’avouer : la situation qui m’avait poussé à cette réflexion demeure la même, si elle ne s’est pas empirée sous certains aspects.
Par une boutade, somme toute logique, et c’est sans nul doute ce qui a irrité Neva et les siens, j’avais émis l’idée que dans le contexte qui était le sien, le Burundi ne méritait d’autre sort que d’être « inclassable ».
Que penser d’autre lorsque pendant les années précédentes, le pays avait été classé « dernier », alors que tous les produits et services étaient encore disponibles !
Aujourd’hui que tout manque, « dernier » sonne donc comme un compliment ! Mais un compliment au goût d’une pilule extrêmement amère.
Ah, ces « ennemis de la nation » qui ne désarment pas
Encore une fois, Évariste Ndayishimiye et compagnie n’y verront qu’un nouveau « coup de poignard dans le dos par les ennemis de la nation ». Eux qui n’ont de cesse de clamer à tout bout de champ que l’ « Eden » n’est autre que le Burundi, avec ses « récoltes surabondantes » et « un peuple des plus heureux ».
Mais jamais un mot pour contredire les statistiques effarantes qui établissent que le taux de malnutrition chronique dépasse les 55% depuis 2022 (sources OMS, OCHA, etc.), que le pouvoir d’achat des ménages se rétrécit comme peau de chagrin, que les salaires des fonctionnaires sont insignifiants face à la montée exponentielle des prix de tous les produits de première nécessité _ encore faut-il en trouver _, que le franc burundais se déprécie sans discontinuer, etc.
Le pouvoir décime sa propre main-d’œuvre par des assassinats et des enlèvements quotidiens, soumet la population dans une peur panique permanente avec sa milice Imbonerakure (ligue des jeunes affiliés au parti au pouvoir, le CNDD-FDD) et son service des renseignements, la rendant ainsi incapable de produire pour l’autosuffisance alimentaire du pays, atmosphère qui s’empire avec le manque de fertilisants et de semences de qualité. Sans parler des budgets dérisoires destinés aux secteurs de la production.
Une situation insoluble

Un enfant de la rue en passe d’être réintégré dans sa famille boit de l’eau dans un centre dans la ville commerciale Bujumbura ( SOS Médias Burundi)
Le pouvoir a perdu tout soutien. Et l’UE, son principal bailleur de fonds, qui vient d’annoncer la prorogation de ses sanctions, hésite toujours de lui renouveler sa confiance qu’il lui a enlevée depuis 2016, dans un chaos qui annihile la moindre chance d’investissement, avec pour conséquence un désert de devises et de produits aussi indispensables que le carburant, le sucre ou encore l’énergie, voire même l’eau.
La principale cause profonde n’est que la mauvaise gouvernance établie comme seule et unique politique par les autorités qui semblent ne réfléchir qu’à la hauteur de leurs ventres et poches, sans la moindre inspiration pour sortir le peuple de l’abime dans laquelle elles l’ont plongé.
Sinon, comment expliquer qu’un pays qui n’a pas d’infrastructures et qui peine à nourrir sa population n’arrive pas à tirer le moindre profit des fonds lui alloués par diverses institutions financières, dont la Banque mondiale qui, en mars 2023, annonçait que le taux de décaissement des projets qu’elle finançait sur la période de 2019-2023 n’était que de 21% ? « Mauvaise gouvernance » et « incompétence des gestionnaires » étaient les principales raisons avancées par l’institution de Bretton Woods pour expliquer cet état de fait.

Franck Kaze, l’auteur de l’article
Et la situation n’est pas prête de changer, puisque le pouvoir use de la tactique de l’Autruche en plongeant la tête dans le sable, prétendant qu’il n’y a pas de problème.
L’art de la diversion pour masquer les vrais problèmes
Jouant le valet de Kinshasa, Évariste Ndayishimiye arbore le spectre d’une guerre aux yeux des Burundais qui est pourtant loin de les concerner. Et pour se convaincre de son fait, le chef de l’Etat envoie, sans aucun état d’âme, des militaires de la FDNB ( Force de défense nationale du Burundi) se faire décimer par dizaines, sans que les leurs aient même le droit de faire le deuil.
Dans la même foulée, Gitega poursuit sa rhétorique sur un ennemi imaginaire du nom du Rwanda, tissant des alliances aussi improbables que dangereuses avec les génocidaires FDLR ( Forces démocratiques de libération du Rwanda) jurant de garder les frontières d’avec le voisin honni fermées, convoquant ses généraux dans des réunions secrètes et mobilisant Imbonerakure et réservistes pour une guerre dont les contours tardent à être définis.
Trop occupé par ce jeu dont la bassesse ne semble pas le gêner, loin s’en faut, Évariste Ndayishimiye n’a pas le temps de penser aux malheurs des Burundais assaillis par une misère sans nom et, sans surprise, la faim, puisque c’est cela notre sujet du jour.
De « pays le plus affamé » à « pays le plus pauvre », il n’y a qu’un tout, tout petit pas, le premier n’étant que la conséquence du second. Des ‘compliments’ comme ça, il y en aura certainement à la pelle, au rythme auquel Ndayishimiye et ses coéquipiers mènent le pays. Oh, qu’est-ce que j’aimerais me tromper !
OMS*: Organisation mondiale pour la santé
OCHA*: Agence humanitaire de l’ONU
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Le dépotoir de Buterere dans le nord de la ville commerciale Bujumbura, seule solution pour se nourrir pour plusieurs familles ( SOS Médias Burundi)
