Burundi : Quitte à commettre un génocide national !

Évariste Ndayishimiye ne recule devant rien.Aujourd’hui, la survie du citoyen Burundais tient sur sa seule et unique voix, son vote. La décision est officielle : tous les droits, quels qu’ils soient, sont conditionnés par l’enrôlement aux futures élections. Tous, sauf celui de respirer, tant qu’on est encore en vie, bien sûr. Sauf que cette contrainte n’est dictée par aucun texte légal. Car, à ma connaissance, l’Assemblée nationale n’a jamais légiféré sur ce sujet. Et même là, les Burundais méritent-ils vraiment d’être soumis à un nouveau calvaire qui ne vise qu’à les achever ? ( Analyse de Franck Kaze sur SOS Médias Burundi)
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Dans le langage courant, l’on dit que « voter est un droit, mais aussi un devoir civique et moral », mais sans que la deuxième assertion soit soumise à une contrainte politique. Il est certes vrai que dans certains pays, comme la Belgique, pour ne citer que le plus connu par mes compatriotes, l’absence aux élections est sanctionnée par une amende. Mais cela est davantage lié à l’histoire de ce pays où à un moment donné, des chefs d’entreprises refusaient d’accorder à leurs employés le temps d’aller voter, provoquant ainsi un absentéisme qui a inquiété l’autorité publique. Au Burundi, cette décision de rendre le vote obligatoire n’est soutenue par aucun texte légal.

Vous votez, ou vous crevez !
Dans un pays où le droit à la vie ne tenait déjà qu’à un fil, avec le manque de presque tout, à commencer par l’eau _ dans un pays où il pleut 9 mois sur 12 ! _, l’électricité, le carburant, le sucre, les produits vivriers dont les prix exorbitants poussent la majorité des Burundais à ne manger qu’une fois par jour, et encore, etc., décider d’exiger que pour accéder au peu de ces produits de première nécessité qui sont encore disponibles il faut montrer sa carte d’enrôlement, c’est tout simplement dire au citoyen : « si tu ne veux pas voter, eh bien, suicide-toi ! ».
Du coup, la mesure énoncée par le gouvernement n’ayant pas établi de limites, chaque administratif, à chaque niveau, avec la collaboration des jeunes miliciens Imbonerakure zélés du parti au pouvoir le CNDD-FDD, y va de son abus : qui interdisant l’accès aux fontaines publiques, qui empêchant ses administrés d’acheter la moindre boisson, qui barrant l’accès aux structures de santé ou encore aux marchés …, tout y passe, sans état d’âme ni vergogne, tant qu’on ne montre pas patte blanche.

Un acte aussi criminel qu’inutile
Évariste Ndayishimiye met la corde au coup à un peuple déjà à genoux, le Burundi venant d’être classé « pays le plus affamé », suite à la paralysie du secteur agricole par manque de fertilisants, à l’incapacité de se mouvoir à l’intérieur du pays à cause de la plus longue pénurie de carburant que le pays ait jamais connue, à l’impossibilité d’investir suite au manque des devises et à une corruption galopante devenue endémique.
Une situation conséquente à un manque d’une vision qui devrait se traduire par des politiques claires dans l’économie, la gouvernance, la justice, et tous les autres secteurs de la vie de la nation, aujourd’hui dépourvus de toute subsistance.
Évariste Ndayishimiye brandit une menace officielle de mort à un peuple déjà meurtri par de graves violations de ses droits qu’il a perpétuées, voire aggravées, depuis son accession au pouvoir, notamment par des assassinats et des enlèvements quotidiens.
C’est même pour ces raisons que Gitega vient d’essuyer deux gifles cinglantes, l’une à la suite de l’autre. En effet, le pouvoir ne s’était pas encore remis du renouvellement du mandat du rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme au Burundi tant décrié, que l’Union Européenne annonçait le renouvellement, pour une année, de ses sanctions. Deux camouflets qui ont fait mouche, au point d’inciter Neva et les siens à se dire : « on n’a plus rien à perdre » et à jeter leur colère sur la pauvre population burundaise.
L’acte de voter par obligation est inutile en soi pour des raisons évidentes : d’abord parce que le chef de l’Etat et son équipe ont mis en place une Commission électorale faussement nationale et indépendante complètement acquise au parti de l’aigle, ensuite parce que l’espace politique est totalement balisé, sans la moindre marge d’expression et d’action pour une opposition qui, malgré une vision commune des choses à travers les actes de persécution qu’elle subit, n’arrive pas à s’unir pour faire front. Par ailleurs, le patron du CNDD-FDD ayant publiquement qualifié sa formation politique de parti-Etat, il est clair que la seule place disponible est celle du parti au pouvoir qui règne sans partage et sans gêne.
Un vote massif pour un vol massif
Par son attitude, le pouvoir en place donne raison à ses détracteurs qui ont toujours cru que le CNDD-FDD n’a jamais gagné les élections depuis 2010, et que le pire est à venir avec les prochaines échéances électorales.

Divers acteurs dont la société civile indépendante et des formations politiques telles que la nouvelle plateforme, la Coalition pour la Renaissance de la Nation (CRN – Ingeri ya Rugamba) ou encore le Mouvement pour l’Action Patriotique (MAP Burundi Buhire), voyant venir les choses, ont vite dénoncé ce qu’ils ont qualifié de mascarades électorales, la CRN allant même jusqu’à exiger l’annulation pure et simple de ces scrutins « de la honte ».
A travers cette mesure contraignante à l’endroit du peuple, le pouvoir conforte ceux qui pensent que le CNDD-FDD a peur, du fait que les Burundais, dans leur majorité, n’ont jamais eu confiance en lui, et cherche donc à se légitimer par le vol d’un maximum de voix qui l’auront prétendument plébiscité. Et pour cela, Évariste Ndayishimiye et le CNDD-FDD sont prêts à tout, quitte à crucifier tout un peuple, si celui-ci ose les défier. Pauvres de nous !
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Photo : Franck Kaze, l’auteur de l’article