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Tanzanie : dernier round “Go and See?”

Les gouvernements tanzanien et burundais en collaboration avec le HCR ont organisé une énième commission de réfugiés burundais qui se rendent dans leur pays pour revenir convaincre leurs compatriotes de rentrer. Elle se veut la «dernière» avant la fermeture des camps en décembre prochain. (SOS Médias Burundi)

Les membres de la commission sont choisis en cachette.

Selon des sources bien informées, la délégation est partie le 11 septembre. Au camp de Nduta, neuf réfugiés ont été sélectionnés pour faire partie de l’équipe.

Il s’agit de gens jugés influents ou qui requièrent une certaine notoriété comme des enseignants, des directeurs d’écoles, des chefs religieux, des chefs de zone,…

« Notre cheffe de zone faisait partie par exemple de la délégation», a indiqué un réfugié de la zone 5.

L’on apprendra que le camp de Nyarugusu aura envoyé cinq réfugiés, «considérés comme ceux qui sont proches ou membres du parti au pouvoir au Burundi, le CNDD-FDD, certains d’entre eux étant reconnus comme des Imbonerakure (membres de la ligue des jeunes du CNDD-FDD) influents et agressifs au camp».

Cette délégation s’est rendue dans les provinces du nord-est du Burundi comme Kirundo, Muyinga, Ngozi et Kayanza.

« Ils sont monnayés pour que, quand ils reviennent, ils donnent des informations taillées sur mesure », laissent entendre nos sources.

Un membre de ladite mission a affirmé que les délégués ont reçu chacun « une somme de 700.000 FBU comme frais de mission ».

« Nous avons sillonné toutes ces provinces, nous sommes allés chez-nous dans nos communes d’origine et nous avons été reçus par différentes autorités administratives et les représentants du parti au pouvoir », témoigne-t-il.

Le message reçu est clair, confesse-t-il.

« Allez sensibiliser les réfugiés dans vos camps, que la paix et la stabilité règnent sur tout le territoire national, que personne ne sera inquiété une fois rapatrié au Burundi. Vous aurez rendu un bon service à la nation-un acte de patriotisme et vous en serez récompensés si vous arrivez à convaincre vos compatriotes . Surtout, insistez pour que les élections vous trouvent tous ici au pays », injonctions données par ces responsables burundais, d’après toujours un des membres de la délégation. Les élections évoquées ici sont les législatives de l’an prochain.

Des représentants de réfugiés dans une réunion avec les officiels burundais et tanzanien pour parler du rapatriement forcé, août 2024 © SOS Médias Burundi

Le 16 septembre dernier, soit cinq jours après, le convoi de la commission dénommée « Go and See», (allez observer et revenez témoigner ) est revenu dans les deux camps de réfugiés burundais.

C’est le président du camp de Nduta qui l’a murmuré mardi aux nouveaux représentants du HCR au niveau national en visite au camp. Il faisait partie de la délégation pour le compte de la Tanzanie.

« On attend qu’une réunion extraordinaire de tous les réfugiés soit organisée pour qu’ils se mettent devant pour témoigner de ce qu’ils ont vu et nous convaincre pour un rapatriement massif », explique un réfugié, intellectuel en même temps leader communautaire.

Cependant, une fuite en avant permet aux réfugiés de réagir.

« Nous savons déjà ce qu’ils vont nous dire. C’est une perte de temps, celui qui n’a pas encore choisi de rentrer ne va pas prendre cette mauvaise mesure suite à ces faux témoignages », dira un jeune réfugié, ancien étudiant de l’université du Burundi qui a pris le devant pendant les manifestations contre l’autre mandat controversé de feu président Pierre Nkurunziza en 2015, avant de s’exiler en Tanzanie.

Dans l’entre-temps, des sensibilisations en cascade continuent par tous les moyens possibles pour un retour massif des réfugiés avant la fin de cette année.

Dans les deux dernières semaines à Nduta et à Nyarugusu, l’administration a organisé des compétitions sportives avec le thème : « Rentrer construire le Burundi, prenez la décision avant que le pire n’arrive en décembre, aujourd’hui est mieux que demain ».

La Tanzanie rappelle que les deux camps seront totalement fermés prochainement pour procéder à « la cessation du statut de réfugié » pour plus de 110.000 Burundais qui vivent dans ces deux camps dont les occupants ont fui la crise de 2015 pour la plupart.

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Photo : des réfugiés burundais dans une réunion avec le directeur en charge des réfugiés à Kigoma, le 9 avril 2024 à Nyarugusu © SOS Médias Burundi