Nduta (Tanzanie) : reprise du saccage des champs des réfugiés

L’administration du camp de Nduta a ordonné la destruction des champs de légumes et de céréales des réfugiés. Pour l’administration, ce genre d’activité agricole et de commerce décourage le mouvement de rapatriement volontaire. (SOS Médias Burundi)
Ce sont surtout les champs de haricots et de riz qui ont été détruits.Ils se trouvent dans une vallée, juste à l’extrémité de la zone I.
« Ce qui est vraiment étonnant est de voir des gens chanter et se donner du plaisir quand ils détruisent des champs. C’était inhumain. Les haricots coupés n’étaient même pas au stade de donner des fleurs. C’est comme tuer sciemment une vache enceinte », indique une jeune femme qui a assisté impuissamment à la destruction de ses cultures.
La « sale besogne » était supervisée par un certain « Octavia », du bureau du président du camp, connu dans presque tous les actes de torture, d’emprisonnements, de traitements inhumains et cruels infligés aux réfugiés burundais.
« Il est venu sur sa moto, accompagné d’une camionnette remplie de coupe-coupes. Des gardiens civils dits ‘Sungusungu’ ont accompli cette tâche avec enthousiasme. C’était très cynique de voir des Sungusungu couper les champs de leurs compatriotes burundais», ajoute-t-il.
Ce qui a irrité l’administration, apprend-on, c’est que des réfugiés vendent des feuilles de légumes de façon ambulante.
« Comme tous les marchés, boutiques et stands ont été fermés, certains Burundais sont contraints de vendre ces légumes dans les rues et villages du camp. Même le personnel de différentes ONGs humanitaires du camp achetait un ou deux tas de légumes le soir après le travail. Alors, l’administration n’a pas apprécié ce commerce et indique qu’il ne favorise pas le mouvement de rapatriement dit volontaire », analyse un réfugié burundais, un des intellectuels du camp.
A cela s’ajoute des injonctions données aux réfugiés d’arrêter toute activité agricole au camp.
« L’on n’oubliera jamais des champs de maïs et des bananeraies coupés chaque mois. Les jeunes gardiens civils sillonnent les villages pour voir s’il y a des cultures qui germent », font savoir des Burundais de ce camp.
Très récemment, le ministère en charge des réfugiés en Tanzanie a signifié aux administratifs du district de Kibondo où est installé le camp de Nduta que celui-ci sera fermé en décembre prochain pour transformer le lieu en « un camp de sapeurs-pompiers »
Ces déclarations et actes inquiètent les réfugiés alors qu’ils sont contraints de rentrer “volontairement” avant décembre prochain.
Agrey Magwaza, maire de Kibondo, a rencontré les responsables des localités avoisinantes du camp de Nduta le 18 août pour leur parler du plan. Il s’agissait notamment des chefs des localités comme Kumuhasha, Biturana, Nengo et Maroregwa.
Il a confirmé que les sapeurs pompiers de la région sont prêts à déménager vers ce camp, après sa fermeture en décembre prochain.
« Les gouvernements burundais et tanzanien ainsi que le HCR se sont convenus que tous les réfugiés burundais doivent être rapatriés avant la fin de cette année. C’est pourquoi nous devons penser à l’avance ce que nous devons faire du camp » , a-t-il déclaré.
Pour les réfugiés, il s’agit d’une violation flagrante, pure et simple des conventions internationales comme celle de Genève de 1951 qui stipule que « les réfugiés doivent être protégés jusqu’à ce qu’ils prennent eux-mêmes une décision de retour volontaire, de leur propre gré, sans aucune contrainte ni forcing du pays d’accueil ».
Ils regrettent l’impuissance du HCR qui est censé suivre à la lettre la même convention. « Il a failli à sa mission de protection et pourrait être trainé devant des juridictions internationales », indiquent des activistes des droits humains.
D’après les chiffres du HCR de fin juillet dernier, le nombre de réfugiés burundais à Nduta s’élève à plus de 58.000.
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Photo : un enfant regarde un jeune gardien de la paix en train de couper un bananier, janvier 2022 © SOS Médias Burundi