Massacres de Gatumba : dépôt de plusieurs plaintes pour crime contre l’humanité et génocide

La communauté Banyamulenge vivant au Burundi et celle de la diaspora commémorent ce mardi le massacre de plus de 160 Congolais survenu le 13 août 2004 à Gatumba, à une vingtaine de kilomètres de la ville commerciale Bujumbura et non loin de la frontière burundo-congolaise de Kavimvira. Plusieurs plaintes pour crime contre l’humanité et génocide ont été déposées. Pou l’avocat français Dominique Inchauspé, il s’agit d’un coup de semonce contre tous ceux qui voudraient continuer ce genre de menées. (SOS Médias Burundi)
Les plaintes ont été déposées au Burundi, au Rwanda et à l’auditorat militaire du Sud-Kivu dans l’est du Congo ainsi qu’auprès de la CPI (Cour Pénale Internationale). Le choix de ces pays est explicité par Maître Dominique Inchauspé ,avocat du barreau de Paris qui représente la Fondation des survivants des massacres de Gatumba.
« Il y avait trois types d’assaillants qui avaient attaqué le camp de Gatumba : des gens du Front national de libération du Burundi à dominante Hutu, des gens des forces armées du Congo-RDC qui seraient des miliciens Maï Maï incorporés dans l’armée et puis des anciens Interahamwe du Rwanda réfugiés au Congo », a expliqué l’avocat dans un entretien avec SOS Médias Burundi.
« Chacune de ces plaintes vise une des catégories d’assaillants. Et dans la mesure où le Congo a rejoint le statut de Rome, la Cour Pénale Internationale a compétence dans des affaires dans lesquelles des ressortissants du Congo-RDC ont pu commettre des faits de génocide ou de crimes contre l’humanité de sorte que nous avons également saisi la Cour Pénale Internationale ».
Première procédure pénale amorcée
Lorsque des gens sont victimes d’infractions extrêmement graves ou même moins graves, dit Maître Dominique Inchauspé, le premier besoin fondamental est la prise en compte de la justice de cette souffrance avec le début d’enquêtes.
« Jusqu’alors-et ça a été une de mes surprises également, aucune procédure pénale ne semblait avoir été amorcée dans aucun de ces trois pays en particulier au Burundi, ce qui est assez surprenant. Donc le premier objectif, il est presque atteint. C’est saisir ces justices et amorcer les enquêtes de manière à ce que les survivants et les familles des victimes sachent que leur souffrance et que ces infractions épouvantables sont prises en charge », poursuit-il.

Pour lui, la deuxième étape « nous avons deux personnalités politiques officielles du Burundi qui n’ont pas caché que leur mouvement, le FNL était à l’origine du massacre de Gatumba. C’est Monsieur Agathon Rwasa et Monsieur Pasteur Habimana or ces personnes sont toujours vivantes, vivent toujours au Burundi et l’une d’elles s’est même présentée aux élections présidentielles. Donc nous avons un espoir tout à fait correct et raisonnable de ce que la justice puisse cheminer dans la direction de ces deux personnes ».
Crime contre l’humanité et génocide
Selon Dominique Inchauspé, Docteur en droit qui a déjà publié des ouvrages de droit pénal aux presses universitaires de France et des fictions, les massacres de Gatumba constituent un génocide et un crime contre l’humanité juridiquement.
« Les gens de Gatumba ont été massacrés parce qu’ils étaient des Banyamulenge et c’est tout [….]. Donc pour une appartenance ethnique, ça en fait un crime contre l’humanité et un génocide…Une partie de génocidaires les ont rattrapés là-bas au Burundi où les attendaient d’autres génocidaires », éclaire-t-il.
Relative inaction de la communauté internationale
Les enquêtes de l’ONU et la communauté internationale en 2004 n’ont pas donné lieu à ce moment à la saisine, ne serait-ce par le Conseil de sécurité de la Cour Pénale Internationale.
« Ça m’a rappelé, toutes proportions gardées, la relative inaction de la communauté internationale pendant que l’on massacrait au Rwanda en clair sur les médias. C’était choquant pour un juriste… », déplore Dominique Inchauspé.
Relatif anonymat
Selon l’avocat, la tragique affaire de Gatumba a versé dans le relatif anonymat. Avec le dépôt de ces plaintes, il espère que cette affaire épouvantable sera sortie du relatif anonymat dans lequel elle baignait.
« […] Je vais me rapprocher des procureurs de ces trois pays , demander des auditions, faire un travail d’avocat normal mais tout ça va donner le branle à une sortie de l’anonymat de ce dossier », se félicite l’avocat français Dominique Inchauspé qui représente la Fondation des survivants des massacres de Gatumba.
Coup de semonce
Maître Dominique Inchauspé parle d’un coup de semonce qui concerne également toute la région des Grands-Lacs d’Afrique.
« D’une manière un peu plus générale, il faut davantage d’actions judiciaires pour tout ce qui se passe dans la région des Grands-Lacs, en particulier à propos de la communauté Banyamulenge qui, même en ce moment ferait l’objet d’actes préparatoires pré-génocidaires encore au Congo-RDC. Je pense que le simple fait de médiatiser des dépôts de plaintes , d’en parler librement comme on est en train de le faire maintenant, est un coup de semonce contre tous ceux qui voudraient continuer ce genre de menées », conclut l’avocat.

Les plaintes ont été déposées durant la première semaine d’août 2024. Les plaignants ont reçu des accusés de réception sur chacune des accusations.
Les victimes de Gatumba avaient fui les combats qui sévissaient dans leur pays avant d’être installées au camp de transit dans la zone de Gatumba en commune de Mutimbuzi de la province de Bujumbura (ouest) en 2004. Sur les 166 individus tués figuraient 154 de la communauté Banyamulenge et 12 de la tribu Babembe.
En 2004 dans la fraicheur des faits, Pasteur Habimana qui était porte-parole du mouvement Hutu- Front national de libération (FNL) avait assumé que l’attaque avait été menée par son mouvement avant de changer la version des faits.
Espérance Nyasezerano avait 12 ans à l’époque. Elle a reçu une balle dans la cuisse. Cette mère d’un enfant qui vit aux États-Unis aujourd’hui se trouve à la tête de la Fondation des survivants des massacres de Gatumba. Pour Nyasezerano, « les maîtres qui sont derrière ce génocide marchent toujours librement au Burundi ».
« C’est pourquoi nous voulons que l’ONU, le Burundi et notre pays la RDC suivent cette affaire et s’assurent que toute personne ayant joué un rôle dans ces tueries soit arrêtée et punie », dit-elle.
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Photo : le monument où reposent les victimes des massacres du 13 août 2004 à Gatumba © SOS Médias Burundi