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Tanzanie : les autorités burundaises veulent à tout prix rapatrier les réfugiés

Une délégation burundo-tanzanienne s’est rendue dans deux camps de réfugiés burundais à Nduta et Nyarugusu cette semaine. Le message est unique : rentrer avant le mois de décembre 2024. Pourtant, la plupart des concernés ne veulent pas profiter de cette période dite de grâce qu’ils jugent amère.

INFO SOS Médias Burundi

La délégation burundaise était constituée notamment de Célestin Nimbona assistant au ministère de l’intérieur, du consul de Kigoma Jérémie Kekenwa et Kabura Prudence, Directeur de la Réintégration des Rapatriés et des Déplacés. La délégation comprenait aussi des rapatriés comme l’ancien chef de zone 13 et l’ex-représentant de tous les réfugiés du camp de Nduta.

Les officiels tanzaniens qui les ont accompagnés sont entre autres Daniel Siro, secrétaire permanent au ministère de l’intérieur tanzanien et le célèbre Sudi Mwakibasi, directeur général en charge des réfugiés.

Ils ont visité les camps de Nyarugusu et Nduta respectivement mardi et mercredi de cette semaine.

Les envoyés spéciaux du Burundi ont indiqué que la crise politique que ces réfugiés ont fui n’est plus d’actualité.

« La crise est aujourd’hui racontée comme une histoire du passé. Le pays est plutôt sur les rails du développement. Personne n’est distrait par ces discours politiques mensongers qui se disent et qui proviennent des ennemis du pays », a déclaré l’assistant au ministère burundais de l’intérieur.

Célestin Nimbona, assistant au ministère burundais en charge des affaires intérieures dans une descente en Tanzanie, août 2024 ( SOS Médias Burundi)

Ces dires sont soutenus par des témoignages des rapatriés du Rwanda, de l’Ouganda, de la Tanzanie et du Kenya.

« J’ai été rapatrié volontairement, et je vis bien dans mon pays natal. Je vaque à mes activités sans aucune inquiétude et je participe au développement du pays car je suis admis dans plusieurs coopératives. Vous pouvez aussi constater que j’ai changé, j’ai retrouvé du poids », a témoigné l’ancien occupant et leader communautaire du camp de Nduta.

Le déplacement est intervenu alors que le flux de rapatriement « volontaire » a sensiblement baissé d’intensité. La délégation burundaise y trouve une raison.

« Il y a des gens ici qui militent pour le non rapatriement. Ces gens constituent un danger pour vous, et d’ailleurs pour le pays. Nous les connaissons et nous pouvons même les identifier. Nous recommandons au gouvernement tanzanien de les rechercher et les punir car ils ne font que troubler l’ordre public », a estimé Célestin Nimbona.

La Tanzanie insiste sur le délai limite du mois de décembre 2024.

« Après ce délai de grâce et de promotion, Dieu seul sait ce qui va arriver. L’on pourra faire des interviews pour savoir les vraies raisons de ceux qui n’auront pas choisi le chemin retour et plus tard on pourra procéder à la cessation du statut de réfugié. Alors, la balle est dans votre camp », a magistralement indiqué Sudi Mwakibasi, directeur général en charge des réfugiés, connu pour ses propos hostiles aux réfugiés burundais installés sur le sol tanzanien.

Sudi Mwakibasi, directeur général en charge des réfugiés en Tanzanie dans une réunion sur le rapatriement forcé des réfugiés burundais, août 2024 ( SOS Médias Burundi)

Perte de main d’œuvre…


D’après les chiffres révélés par le ministère de l’intérieur tanzanien, 25% des réfugiés burundais sont constitués par des enfants en âge de scolarité.

« Alors, regagnez votre pays le plus tôt possible pour leur donner la chance de commencer l’école primaire et secondaire en septembre prochain étant chez eux. Quand vous serez chez vous, ce sera une occasion aussi pour combattre l’insécurité alimentaire qui vous hante », a semblé compatir le secrétaire permanent au ministère de l’intérieur tanzanien Daniel Siro.

Pour lui, 35 % des réfugiés sont des jeunes adultes productifs.


« Voyez cette main d’œuvre qui se perd pour rien ? Le pays pourrait profiter de vous pour se développer davantage », dira-t-il.

Sudi Mwakibasi, connu pour ses déclarations dures contre le réfugiés a lui indiqué que le camp sera « prochainement fermé ».

« Pour le moment Nduta compte environ 58.000 réfugiés. Alors avec moins de 50 mille, il ne sera plus au stade de camp. Profitez de cette chance qui vous est offerte avant que le pire ne se produise », a-t-il menacé de nouveau.

Pour les réfugiés, c’est la campagne de rapatriement forcé qui continue.

Des représentants de réfugiés dans une réunion avec les officiels burundais et tanzanien pour parler du rapatriement forcé, août 2024( SOS Médias Burundi)

« Que celui qui veut rentrer prenne le chemin retour. Et nous sommes ravis que le HCR a promis que ceux qui ne se sentiront pas en sécurité resteront pris en charge. Mais rien n’est garanti avec cette impuissante agence onusienne », a réagi un des leaders communautaires au camp de Nyarugusu en Tanzanie.

Une Association attaque le HCR

« Les réfugiés dans les camps en Tanzanie vivent comme des prisonniers : ils n’ont pas le droit à des activités génératrices de revenus, ils ne sortent pas, toutes les boutiques et les champs de culture ont été détruits. À la moindre faute, la punition est d’être embarqué jusqu’à la frontière du Burundi. En général, les réfugiés burundais en Tanzanie sont traités comme des prisonniers. Tout cela est dans l’optique de les forcer à rentrer, ce qui est difficile à résister », accuse Léopold Sharangabo, représentant de l’ABDH/ VICAR, une organisation qui milite pour les droits des réfugiés.

Il appelle la communauté internationale à considérer la convention 1951 de Genève qui consacre la protection des réfugiés.

Actuellement, la Tanzanie abrite plus de 110.000 réfugiés burundais.

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Les officiels tanzanien et burundais arrivent à Nyarugusu pour parler avec les réfugiés burundais, le 7 août 2024 ( SOS Médias Burundi)