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Burundi : le corps de l’ancien président Pierre Buyoya rapatrié dans la simplicité

Le corps de l’ancien président burundais Pierre Buyoya a été rapatrié le soir de ce mardi. Pas d’honneurs d’un ancien chef d’État ni d’autorités publiques pour le recevoir à l’aéroport de Bujumbura comme cela a été le cas pour son prédécesseur le colonel Jean Baptiste Bagaza, décédé en Belgique en 2016. Les siens se sont résignés à une « plus stricte intimité familiale » pour sa réinhumation. (SOS Médias Burundi)

Pierre Buyoya n’aura pas eu les honneurs qu’il s’est offert de son vivant.

De la même manière, son cortège funéraire a emprunté la RN7 (Route nationale numéro 7) en passant par Ijenda pour se diriger modestement, dans la plus stricte intimité familiale, à la propriété familiale située à Rutovu, sa commune natale, en province de Bururi dans le sud du pays. Très peu de gens s’y trouvaient d’après nos sources.

Décédé à l’âge de 71 ans du Covid-19 en décembre 2020, le major Buyoya reposait au Mali, à plusieurs milliers de kilomètres du Burundi, pays où il résidait en tant que Haut Représentant de l’Union Africaine pour le Mali et le Sahel.

C’est à bord d’un jet de la compagnie Ethiopian Airlines qu’il a été ramené chez lui.

La dépouille est arrivée à Bujumbura mardi, d’après sa famille. « Il n’y avait pas d’officiels (à l’aéroport) car il s’agit d’une opération organisée par la famille. Mais les autorités burundaises ont pris toutes les mesures administratives et de sécurité », a confié un membre de sa famille à SOS Médias Burundi ce mercredi matin.

Il aura donc fallu quatre ans de « négociations et repentance » pour déboucher à cet évènement hautement salué par sa famille, d’autant plus que « il avait été temporairement inhumé ».

« Afin de respecter les dernières volontés du défunt, la famille a demandé et obtenu des autorités burundaises l’autorisation de rapatrier et de réinhumer sa dépouille dans son pays natal », disent ses proches.

Même si les honneurs dignes d’un ancien président ne lui ont pas été accordés, la famille Buyoya a de quoi se réjouir.

“La famille Buyoya exprime sa profonde reconnaissance à Son Excellence le Président Évariste Ndayishimiye et aux autorités burundaises qui ont permis que la volonté du défunt de reposer sur sa terre natale soit excausée. La famille sera éternellement reconnaissante aux autorités maliennes et au grand peuple du Mali pour avoir accueilli et adopté le Président Buyoya comme un des leurs, de son vivant comme après sa mort », a écrit sa famille dans un communiqué.

Réaction de l’UPRONA, le parti de Buyoya

L’UPRONA, un parti que l’ancien président Pierre Buyoya a dirigé pendant une décennie et pour le compte duquel il a dirigé le pays se félicite aussi. Pour Olivier Nkurunziza, président de ce parti, mieux vaut tard que jamais.

« C’est vraiment une grande satisfaction pour nous car il avait été enterré loin des siens, de sa famille et de ses voisins qui n’avaient pas eu l’occasion pour un adieu digne d’un ancien chef d’État », a-t-il fraîchement réagi, ajoutant que « c’est un honneur car il est inhumé dans sa terre natale pour la mémoire des Burundais qu’il a dirigés».

Le major Buyoya était tombé en disgrâce en 2015 après avoir contesté un autre mandat de l’ex-président Pierre Nkurunziza.

Coup du destin, les « deux Pierre qui ne s’aiment pas mourront au courant de la même année, 2020, Pierre Hutu (Nkurunziza) légèrement avant Pierre Tutsi (Buyoya)».

Pierre Buyoya, ancien président du Burundi
Pierre Buyoya, ancien président du Burundi réinhumé sur sa colline natale àMutangaro au sud du pays le 17 juillet 2024 © SOS Médias Burundi

Un dossier sur l’assassinat du successeur de Buyoya, Melchior Ndadaye est alors ressuscité. Buyoya sera condamné en octobre 2020 par contumace au Burundi, avec une vingtaine d’anciens hauts responsables civils et militaires qui lui étaient proches, pour l’assassinat en 1993 de Ndadaye, premier président Hutu démocratiquement élu.

Le parti UPRONA trouve que les malentendus politiques n’effacent guerre les acquis du Major.

« Il devrait bénéficier des honneurs d’un ancien président car il a travaillé pour le pays. On lui doit le multipartisme, la Charte de l’Unité nationale, le retour de la paix et la sécurité avec les Accords d’Arusha, le cessez-le-feu et l’arrêt des hostilités et même le parti au pouvoir CNDD-FDD en a profité pour s’établir », explique Olivier Nkurunziza.

Et de renchérir :  » L’on pourrait refuser ses honneurs mais ses actifs parlent plus et sont indéniables, on ne pourra nier qu’il a été chef d’État, président et commandant suprême ».

Le rapatriement de son corps, quoi que tardif a une grande signification, selon l’UPRONA.

« C’est un acte de l’unité, de réconciliation et de retenue. Nous sommes reconnaissant envers le gouvernement et le président de la République qui l’a permis. Les générations futures pourront honorer un jour sa tombe, pourquoi pas l’ériger en monument historique!»

L’UPRONA se souviendra toujours de Buyoya comme un vaillant bâtisseur.

« Jusqu’à son dernier souffre il était membre de l’UPRONA, il a été son candidat présidentiel, et donc l’UPRONA se souviendra toujours de lui comme un héros et un bâtisseur. Il a laissé un patrimoine national important », trouve Olivier Nkurunziza.

Enterré comme rapatrié

Ce mercredi, 17 juillet 2024, le corps de Buyoya a été réinhumé à son domicile situé sur la colline Mutangaro.
Selon un habitant qui a participé à la cérémonie, la tombe de l’ancien président a été bien aménagée par sa famille. Les voisins ont été autorisés à participer à la réinhumation. Juste après le début de l’événement, aucune autre personne n’a été autorisée à y avoir accès. Des agents du Service national de renseignements ont été aperçus sur les lieux.

« Ils surveillaient le moindre mouvement des personnes. Ils étaient prêts à arrêter toute personne qui tenterait de prendre des images sans l’autorisation de la famille », rapportent des témoins.

La cérémonie n’a pas duré longtemps.
Aucun représentant du gouvernement ne s’est déplacé à Mutangaro. Seule présence remarquable, celle de Domitien Ndayizeye, ancien président burundais qui fut vice-président de Buyoya durant la première période de transition entre 2000 et 2003.

Les cérémonies de levée de deuil définitive sont prévues pour samedi le 20 juillet à Bujumbura, la capitale économique.

Buyoya est décédé à Paris le 17 décembre des suites de la maladie à Covid-19, selon des sources médiales.

Il a dirigé le Burundi entre 1987 et 1993 et de 1996 à 2003 avant de céder le pouvoir au terme d’une transition qui a abouti aux élections de 2005 après la signature de l’Accord de paix d’Arusha qui a mis fin à une décennie de guerre civile qui a emporté plus de 300000 vies, selon l’ONU.
L’homme est également l’initiateur de la Charte de l’Unité nationale conclue en 1991 pour réconcilier les Hutus et les Tutsis. Il reste aussi le président qui aura permis le multipartisme dans la petite nation de l’Afrique de l’Est.

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Photo : le cercueil de l’ancien président Buyoya à la grande cathédrale de Bamako, le 29 décembre 2020 (photo DR)