Rwanda : élections dans un contexte frontalier tendu

Depuis ce dimanche jusqu’à mardi, les Rwandais de l’intérieur et de l’extérieur sont en train de voter. Ils se choisissent un président, des députés et des représentants des catégories spécifiques comme les femmes, les jeunes et les handicapés au parlement. Différents candidats présidentiels dont le favori Paul Kagame sont revenus sur la question des frontières congolaise et burundaise où les populations riveraines craignent des attaques imminentes. (SOS Médias Burundi)
Plus de 9.5 millions de Rwandais se sont inscrits pour participer à ces élections présidentielles et législatives combinées, selon la commission électorale nationale.
Trois candidats présidentiels sont en lisse à savoir le favori Paul Kagame qui brigue un quatrième mandat en tant que candidat du parti au pouvoir le FPR-Inkotanyi, l’opposant doux Franck Habineza pour le compte de Democratic Green Party et un candidat indépendant Philippe Mpayimana.
Dans leurs sorties médiatiques, les deux premiers candidats sont revenus sur les frontières qui sont soit fermées notamment avec le Burundi au sud ou scrupuleusement sécurisées à l’ouest avec le Congo et où les populations craignent des attaques à tout moment.
“Nous allons continuer à assurer votre sécurité et celle de vos biens. Nous devons aussi faire en sorte que ce que vous alliez chercher de l’autre côté soit disponible en abondance chez nous. Sinon, soyez vigilants et protégez-vous vous-mêmes”, a indiqué Paul Kagame à Bugesera, un district frontalier avec Kirundo, une des provinces du nord du Burundi lors d’un meeting.

A Rubavu, à la porte de Goma en RDC, l’actuel président rwandais ne s’est pas refusé de lever son doigt accusateur de la main gauche.
“Ce que vous entendez de l’autre côté ne devrait pas vous faire peur. Nos vaillants fils et filles ne dorment pas, ils sont aux aguets. Si la ligne rouge est dépassée, vous verrez de quel bois nous nous chauffons. Soyez rassurés et vaquez à vos activités sans aucune inquiétude”, a-il déclaré dans un meeting aussi électoral.
Son challenger doux Franck Habineza, lui, propose des solutions si jamais il est élu par miracle.
“Nous ne devrons pas rester dans cet éternel engrenage et cette case fermée. Je ferai le tout possible pour éviter les causes qui nous poussent à être en éternels conflits avec nos voisins. Les frontières ne seront plus fermées, il y aura de bon voisinage et de bonnes relations avec les présidents de tous les pays limitrophes”, a-t-il promis, à Bugesera à la recherche des voix des habitants de l’est du Rwanda.
Ce lundi après leur vote respectif, Kagame et Habineza ont réitéré leur promesse devant la presse.
Paul Kagame s’attend à une victoire écrasante, comptant sur « la population qui m’a supplié de me faire élire”.
Franck Habineza lui espère “récolter 55% des voix”.
C’est la deuxième fois que Paul Kagame se présente aux élections alors que les frontières de son pays avec le Burundi sont fermées. La dernière fois , c’était en 2017.
L’actuel président burundais Évariste Ndayishimiye avait affiché une certaine bienveillance et ouvert les frontières après son accession au pouvoir anticipé suite à la mort inopinée de son prédécesseur mais la lune de miel n’a pas duré longtemps.
Tout comme son prédécesseur, feu Pierre Nkurunziza, Ndayishimiye accuse son voisin du nord de “soutenir, alimenter et héberger” des putschistes et groupes armés en l’occurrence le mouvement rebelle Red-Tabara qui est sur la liste des mouvements terroristes du gouvernement burundais. Le régime burundais a même placé des armements lourds sur les frontières avec le Rwanda pour “se prévenir du danger éventuel”.
Pour le Congo, Kinshasa accuse Kigali de “soutenir le groupe armé M23 qui contrôle une partie de l’Est de la RDC ». Plusieurs rapports d’experts onusiens ont fait le même constat.
Paul Kagame s’en lave les mains et parle de « problèmes internes dans ces deux pays voisins du Rwanda ».
Depuis plus de 20 ans, l’homme fort de Kigali récolte un score stalinien (plus de 90% à chaque élection) dans des élections fortement critiquées par ses opposants, l’occident et l’Amérique qui parlent de « mascarade ».
Mais pour le Rwanda, “personne ne peut dicter la manière dont la démocratie rwandaise doit être définie, où le choix est libre, inspiré par le progrès spectaculaire dans tous les domaines de la vie du pays” depuis l’accession au pouvoir de M. Kagame.

Ce tableau des actifs est couronné par l’arrêt du génocide contre les Tutsis en juillet 1994 qui a emporté plus d’1 million de victimes et la réconciliation miraculeuse qui a permis aux bourreaux et rescapés de vivre ensemble.
Et d’ailleurs, plus de 60% de la population n’a connu d’autre président car ayant moins de 30 ans . Cette année, plus de 2 millions d’électeurs se sont ajoutés sur les chiffres du dernier scrutin de 2017 d’après la commission électorale qui précise que dès minuit de ce lundi, les premières tendances de la présidentielle seront connues. Le prochain président rwandais sera annoncé officiellement le 27 de ce mois.
Plus d’un millier d’observateurs suivent ces élections dont plus de 300 étrangers.
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Photo : Paul Kagame reçoit une marque d’avoir voté, le 15 juillet 2024, crédit photo : Igihe