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Genève : les violations des droits humains en ligne ascendante au Burundi

Depuis le 18 juin, le Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies tient sa 56è session. Elle prendra fin le12 juillet. La semaine dernière, le Burundi était sur l’agenda et le rapporteur onusien a constaté amèrement une régression incessante des droits humains dans ce pays. Il plaide pour la libération des journalistes et activistes. De son côté, la représentation permanente du Burundi à l’ONU rejette en bloc toutes ces allégations. (SOS Médias Burundi)

Le diplomate onusien a encore une fois frappé. Lors de sa présentation orale jeudi dernier, Fortuné Gaétan Zongo a dressé un tableau noir des droits humains dans la petite nation de l’Afrique de l’est.

« La situation au Burundi est marquée par un contexte sécuritaire volatile, une impunité généralisée entretenue par l’appareil judicaire, une tolérance à l’égard des violations des droits humains, particulièrement celles commises par la milice du parti au pouvoir (Imbonerakure) », a-t-il martelé.

« Des fois, ces jeunes remplacent les forces de sécurité dans certaines localités pour procéder aux arrestations, enlèvements et terrorisent la population, sans parler des agissements inquiétants de la police et des agents du renseignement », a-t-il insisté jeudi à Genève au siège du conseil onusien des droits de l’homme.

Le rapporteur spécial de l’ONU sur le Burundi a aussi critiqué l’espace politique qui, selon son rapport oral, « est verrouillé et ne permet pas l’expression des voix dissidentes ».

S’agissant de la presse, Fortuné Gaétan Zongo compatit.

« Plusieurs journalistes et représentants de la société civile font l’objet d’arrestations, de détentions arbitraires, de harcèlement et d’intimidations », soutient-il.

Le diplomate burkinabè a rappelé comme illustration des cas emblématiques comme ceux de Floriane Irangabiye et Sanda umuhoza.

«Ce sont deux femmes détenues arbitrairement pour des crimes qu’elles n’ont pas commis, mais fabriqués : atteinte à la sûreté de l’état et aversion ethnique », fait-il remarquer avant de plaider pour leur libération immédiate et inconditionnelle.

Vie chère…

Côté socio-économique, M. Zongo regrette « un contexte économique difficile marqué par une forte inflation, une forte dépréciation de la monnaie,…qui limitent considérablement le pouvoir d’achat des ménages ».

« A cela s’ajoute des difficultés de pénuries du carburant, du sucre, d’eau sans parler des coupures récurrentes d’électricité », détaille-t-il.

Il salue toutefois des efforts d’ouverture internationale, qui n’est cependant pas sans tâches.

« Le Burundi semble ouvert mais ne coopère pas encore avec le rapporteur, pas non plus d’ouverture au niveau interne et avec ses voisins directs », nuance-t-il.

Photo d’archives : À gauche, Fortuné Gaétan Zongo, le Rapporteur spécial onusien sur la situation des droits humains au Burundi dont le mandat a été renouvelé

Alors que le Burundi a été élu à la présidence de la 3ème Commission de l’Assemblée générale de l’ONU pour la période de 2024-2026, le rapporteur sur le petit pays d’Afrique de l’est n’a qu’un seul souhait :

« Que cette position lui permette de mieux se conformer aux standards internationaux de protection des droits humains et surtout en affichant une réelle volonté politique pour la protection des droits des Burundais et des Burundaises et de prendre des mesures adéquates pour limiter la criminalité à l’approche des élections qui s’annoncent verrouillées».

Réponse du berger à la bergère…

Comme d’habitude, l’ambassadrice du Burundi à Genève ne pouvait pas rater l’occasion pour contrecarrer un rapport oral aux allures accusatrices.

« Le Burundi s’indigne d’un rapport biaisé avec des allégations mensongères, qui méprise les Burundais, et à base de calomnie et d’infamie à l’endroit des instances étatiques et de toute une population », a vigoureusement dénoncé Elisa Nkerabirori.

« En réalité c’est pour volontairement asphyxier les institutions démocratiques républicaines pour des intérêts qui ne sont autres que géopolitiques», tranche-t-elle.

La représentante permanente du Burundi à Genève bondit sur le voyage de Gaétan Zongo au Rwanda qui a duré dix jours où il s’est rendu au camp de réfugiés burundais de Mahama à l’Est de ce pays.

« D’abord le rapport au terme de cette visite intitulé ‘Maintenir l’Espoir’ est cynique », aborde-t-elle.

« Comment peut-on parler d’espoir en évoquant une situation sinistre, des conditions de vie précaires des réfugiés alors que ces derniers sont maintenus dans les camps et pris en otage depuis dix longues années malgré leur récurrente réclamation de rentrer dans leur pays d’origine en vain », ponctuera-t-elle.

Pour Gitega, le camp de Mahama est un vivier de recrutement de rebelles.

« Un enrôlement de réfugiés dans le mouvement terroriste Red-Tabara dont le commandement est assumé par le cerveau du putsch manqué de 2015, hébergé à la stupeur du Burundi par le Rwanda en violation du droit international», a laissé entendre Madame Nkerabirori.

Dans ce camp, lance-t-elle, « les réfugiés enrôlés comme terroristes reçoivent des entraînements et sont financés et armés par ce même pays pour servir aux attaques terroristes qui ciblent aveuglement des populations civiles innocentes, majoritairement constituées de femmes et d’enfants».

L’Ambassadrice Elisa Nkerabirori hausse le ton alors que le rapporteur onusien a affirmé que le Burundi a des problèmes avec quelques-uns de ses voisins dont le Rwanda. «Non Monsieur, il s’agit d’un seul pays que vous avez vous-mêmes cité », a-t-elle semblé recadrer le diplomate Burkinabè.

Et l’ambassadrice Elisa Nkerabirori d’interpeller la communauté internationale pour soutenir plutôt le Burundi dans son chantier de développement économique et social.

« Mon pays entame un vaste chantier pour réduire les inégalités, offrir l’égalité de chance et la protection sociale à sa population. Le Burundi mérite le soutien de la part de la communauté internationale et non ces rapports incessants qui, dans leur substance aspirent à nous diviser. Et plus grave encore, nous font mauvaise presse », plaide-t-elle avant de conclure : «A nous mépriser, vous nous rendez encore plus déterminés et unis ».

Au cours de telles sessions, les activistes des droits humains dans des pays sur l’agenda s’expriment aussi.

Des Imbonerakure, agents du SNR et policiers essayent de forcer une porte d’une maison appartenant à un opposant suspecté de détenir des armes illégalement dans le nord de la ville commerciale Bujumbura © Jean Pierre Aimé Harerimana

Maître Armel Niyongere, président de l’ACAT-Burundi, opérant en exil, a exprimé « sa profonde inquiétude face aux enlèvements, disparitions forcées, tortures et à la répression de la presse au Burundi » et exigé « la protection des droits humains avant les élections de 2025 ».

La commission nationale indépendante des droits de l’homme au Burundi, CNIDH, a, pour sa part, démontré sa neutralité et son impartialité, plaidant pour que la décision de sa rétrogradation au statut B ne soit pas effective en 2025, « sinon, ce sont les Nations-Unies qui auront sacrifié ces droits ».

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Photo d’archives : Elisa Nkerabirori, ambassadrice du Burundi à Genève