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Nduta (Tanzanie) : un couvre-feu inopportun contesté

Depuis la semaine dernière, l’administration et la police ont imposé au camp de Nduta un couvre-feu. Selon les autorités policière et administrative, le camp est sous menace d’insécurité. Pourtant, les occupants ne relèvent aucun signe d’insécurité ni de mouvement inhabituel. Ces derniers y voient une autre raison. (SOS Médias Burundi)

Dorénavant, à partir de 19h, heure de la Tanzanie, aucun réfugié n’est autorisé à sortir ou à entrer à Nduta, le plus grand camp de réfugiés qui héberge plus de 61.000 Burundais.

Tout a commencé jeudi dernier, dans une séance d’évaluation hebdomadaire qui réunit tous les chefs de zones ainsi que l’administration et la police. Subitement, les leaders des réfugiés reçoivent une information qui les surprend.

« Nous avons été informés qu’il y a des fauteurs de troubles et des rebelles ici au camp. La preuve en est que nous avons découvert et saisi une arme à feu au niveau de la zone 6 », a lancé un des chefs policiers.

L’intervention a été soutenue par le président du camp, se souvient un des participant dans la réunion.

« Pas de temps à perdre, nous devons prendre des décisions qui s’imposent », ont-ils clamé.

Trois options leur ont été proposées :

« Soit vous-mêmes vous faîtes des rondes nocturnes, ou bien vous choisirez des jeunes qui font des patrouilles pendant la nuit avec la police, ou alors vous optez pour un couvre-feu pour que nous nous y mettions nous-mêmes », a indiqué la police.

Les leaders des réfugiés affirment qu’ils n’ont pas eu le temps d’y réfléchir. Un d’entre eux fait savoir qu’ils ont choisi « la solution la moins dangereuse ».

« En fait, nous avons compris qu’il y a un agenda caché et qu’il y a déjà un mauvais plan concocté contre nous. Alors, nous on ne pouvait pas accepter qu’on fasse des rondes ou que nos jeunes fassent des patrouilles au grand risque que nous soyons accusés de complicité de leurs fauteurs de troubles. Vaut mieux rentrer avant 19h car il fait déjà nuit », expliquent ces Burundais.

Pas de signe inquiétant

Dans ce camp, des Burundais laissent entendre qu’ils n’y voient aucun signe d’insécurité.

« D’abord, l’arme saisie (AK-47) n’a été présentée ni devant les leaders ni devant les réfugiés, ensuite personne n’est inquiété ici, chacun vaque à ses activités sans entraves, nous n’avons pas encore remarqué des inconnus ici, même aux alentours du camp. Alors, on se demande tous, ce qui se trame exactement », s’interrogent des réfugiés et leurs leaders locaux.

Certains tentent une explication.

« Nous croyons que c’est une façon de nous maintenir dans la peur totale, une pression pour que nous rentrions avant la date qu’ils ont fixée pour fin décembre. Ou bien, ils veulent perturber le camp pour enfin le fermer soi-disant qu’il renferme des fauteurs de troubles », analysent-ils.

Pour le moment, les occupants de Nduta ont commencé à se soumettre à cette décision. «Tout le monde se presse pour rentrer avant 19h et ceux qui sont à l’intérieur doivent aussi se confiner dans leur maison pour éviter tout soupçon », disent-ils.

A la même heure, toutes les activités doivent aussi cesser y compris les rares petits commerces qui y subsistent.

Les réfugiés en appellent au HCR, accusé d’impuissance, pour intervenir et rétablir la situation, sinon, « il ne fait que faillir à sa mission de protection des réfugiés », comme le soulignent des leaders communautaires.

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Photo : un jeune garçon issu d’une famille de réfugiés burundais se tient devant la maison de ses parents au camp de Nduta, novembre 2023 ©SOS Médias Burundi