Burundi : pourquoi les autorités burundaises veulent garder secrètes les informations sur les militaires affectés en RDC ?
Le ministre burundais en charge de la défense Alain Tribert Mutabazi a refusé vendredi dernier de donner les détails sur la mission de la FDNB (Force de défense nationale du Burundi) en République démocratique du Congo. Il a évoqué le « secret défense », remerciant le chef de l’État qui, selon lui, a permis à l’armée burundaise d’avoir l’accord d’intervenir sur le territoire congolais. SOS Médias Burundi a obtenu les informations cachées par les autorités burundaises. (SOS Médias Burundi)
Vendredi dernier, les ministres burundais et le chef du gouvernement ont animé une conférence publique dans le sud du Burundi en province de Makamba. C’est une émission qui passe en direct sur les différentes radios locales, quatre heures durant. Durant cette émission, les journalistes ont la possibilité de poser des questions, tout comme les habitants. Un des journalistes animateurs de l’émission a posé la question sur les effectifs des militaires burundais qui combattent aux côtés des FARDC (Forces Armées de la République démocratique du Congo). La question de notre collègue Jean Mitterrand Ndayegamiye n’a pas beaucoup gêné le ministre-civil en charge de la défense mais n’a pas eu de réponse.
« Comme vous le savez, quand les troupes sont sur le champ de bataille, il y a certaines questions que l’on ne peut pas poser. C’est notamment celles liées aux effectifs car vous comprenez que quand nous faisons face à l’ennemi et que l’on dévoile les effectifs, cela reviendrait à dire à l’ennemi comment se positionner. Je ne dirai pas que vous vous êtes trompé mais l’on ne pose pas de telle question dans les affaires militaires », a répondu Alain Tribert Mutabazi.
Salaires et indemnités
Le ministre Mutabazi a affirmé qu’il n’y a plus de « lamentations chez les militaires et habitants des zone où ils sont installés ».
« Nos militaires sont bien traités au même degré que les soldats des autres pays se trouvant dans cette région pour ramener la paix et la stabilité. [….] La situation est plus que bonne, je crois que vous êtes au courant que même les militaires qui y sont envoyés ces jours-ci partent avec un moral très exceptionnel », a vanté Alain Tribert Mutabazi.
Ce que l’on cache
Selon des sources militaires à la FDNB, le Burundi dispose de 15 bataillons dans les deux Kivu, entre 7500 et 9000 militaires car chaque bataillon comprend entre 500 et 600 hommes.

En province du Sud-Kivu frontalière avec le Burundi et où sont basés deux groupes armés d’origine burundaise : Red-Tabara et les FNL du général autoproclamé Aloys Nzabampema, le premier se trouvant sur la liste des mouvements terroristes du gouvernement burundais, il y a quatre bataillons. Ces derniers participent aussi aux côtés des FARDC, aux combats contre les mouvements armés locaux surtout ceux des membres de la communauté Banyamulenge, victime de ratissage ethnique depuis plusieurs décennies au Congo.
Dans le Nord-Kivu, la FDNB y a envoyé onze bataillons qui se battent contre le M23.
D’après des sources militaires congolaises qui ont requis l’anonymat, l’accord entre les gouvernements congolais et burundais stipule que chaque militaire doit recevoir deux mille dollars par mois.
Des militaires burundais disent que « nous recevons régulièrement 50 dollars par mois ». SOS Médias Burundi a eu cette confirmation de la part de ceux qui sont postés dans le Nord-Kivu. Mais d’anciens militaires qui ont terminé la mission après avoir refusé les ordres, affirment que « nous n’avons reçu que 50 dollars durant cinq mois ».
Ceux-ci disent également avoir appris que leurs compagnons touchent 50 dollars par mois, régulièrement pour le moment. Dans la guerre contre le M23, les militaires burundais combattent aux côtés des FARDC et des milices locales entretenues par les autorités congolaises. Dans cette zone très riche en minerais, une force de la SADEC (Communauté de développement d’Afrique australe) y est aussi déployée. Elle a remplacé fin 2023 la force sous-régionale de l’EAC, jugée partisane par une partie des Congolais.
Les présidents burundais et congolais ont signé des accords permettant à l’armée burundaise d’intervenir sur le sol congolais, ce qui l’a maintenue sur le territoire du vaste pays de l’Afrique centrale après le départ de la force de l’EAC.
Toutefois, les clauses de ces ententes restent « secrètes et floues ». Depuis octobre 2023, plusieurs militaires burundais ont été tués, d’autres blessés ou encore capturés par les rebelles du M23. Des observateurs locaux et étrangers dénoncent ce qu’ils qualifient de « mercenariat » et appellent le président burundais, commandant suprême à « cesser d’envoyer les militaires burundais à l’abattoir pour ses propres intérêts ».

En décembre 2023, Évariste Ndayishimiye a déclaré dans une émission publique que « c’est normal que les militaires burundais meurent au Congo ».
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Au moins 274 soldats burundais ont été arrêtés, emprisonnés depuis fin 2023, pour avoir refusé d’aller combattre aux côtés des FARDC contre le M23. Ils ont été jugés par la première instance de l’auditorat militaire récemment.
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Alain Tribert Mutabazi tout comme le premier ministre Gervais Ndirakobuca ont salué « les bonnes relations entre le président Ndayishimiye et ses homologues », ce qui a permis, selon eux « à l’armée burundaise d’avoir l’accord d’intervenir sur le territoire congolais afin notamment de contenir les groupes armés burundais et lutter contre le terrorisme ».
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Photo d’archives : enterrement du major Ernest Gashirahamwe, le premier haut gradé de la FDNB à avoir été tué dans le Nord-Kivu, le 16 novembre 2023 à Bujumbura © SOS Médias Burundi
