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Burunga : la CNIDH interpelle sur les abus de détention et les pressions judiciaires

SOS Médias Burundi

Burunga, 23 août 2025 – La Commission nationale indépendante des droits de l’homme (CNIDH) tire la sonnette d’alarme : de nombreux citoyens passent de longs mois en détention sans qu’aucun dossier clair ne soit établi contre eux.

Selon Monseigneur Martin Blaise Nyaboho, président de la CNIDH, certaines incarcérations seraient ordonnées par des autorités qui exigent de « garder » des personnes en prison jusqu’à ce qu’elles décident elles-mêmes de leur libération.

Du 21 au 22 août 2025, la CNIDH a organisé à Nyanza-Lac, dans la province de Burunga ( sud du Burundi), un atelier de restitution réunissant les principaux acteurs de la chaîne pénale. Objectif : exposer les irrégularités en matière de détention et le traitement des cas de torture, et proposer des pistes de réforme.

« Cet atelier s’inscrit dans une série de rencontres et de débats que nous organisons afin que les acteurs judiciaires eux-mêmes prennent conscience des dérives observées », a précisé Monseigneur Nyaboho.

Magistrats sous pression

Au-delà des détenus, les magistrats disent vivre un climat étouffant. Certains hésitent à rendre des décisions de justice de peur de représailles. Plusieurs juges du sud du pays ont déjà été emprisonnés, tandis que d’autres, bien qu’acquittés, n’ont jamais retrouvé leur poste.

« Exercer le métier de magistrat signifie aujourd’hui courir le risque d’être arrêté, muté loin de sa famille ou révoqué », témoignent plusieurs magistrats. Résultat : beaucoup quittent la magistrature pour devenir avocats, espérant échapper aux pressions.

Le président de la Cour d’appel de Bururi, Jean Paul Mukangara, minimise cependant ces cas, affirmant qu’ils sont « rares » au regard du nombre d’affaires jugées et insiste sur l’indépendance constitutionnelle des magistrats.

Manque de moyens et dysfonctionnements judiciaires

Les participants à l’atelier ont aussi souligné le manque criant de moyens logistiques et matériels :

Aucun parquet du sud du pays ne dispose de véhicule pour assurer ses missions.

Les officiers de police judiciaire manquent même de simples feuilles pour établir les procès-verbaux.

Ces carences ralentissent le suivi des dossiers, prolongent inutilement la détention préventive et aggravent la surpopulation carcérale.

Conditions carcérales alarmantes

Des conditions de détention indignes sont régulièrement dénoncées : des prisonniers enfermés dans des conteneurs, comme au cachot de Vyanda (ancienne province de Bururi), ou encore une prison de Bururi qui compte aujourd’hui 324 détenus pour une capacité initiale de 250.

L’ensemble de ces témoignages révèle un malaise profond : une justice fragilisée par les pressions et le manque de moyens, et un système carcéral débordé où la peur et l’irrégularité remplacent parfois le droit et la justice.

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Photo : Monseigneur Martin Nyaboho, président de la CNIDH, s’exprime devant la presse lors de l’atelier de Nyanza-Lac, Burunga. © DR