Burundi : réfugiés congolais face à un choix mortel entre faim et guerre
SOS Médias Burundi
Bujumbura, 20 août 2025- Alors que les financements internationaux pour les réfugiés s’effondrent, les réfugiés congolais installés au Burundi se retrouvent confrontés à un dilemme tragique : rester dans des conditions de plus en plus précaires ou retourner dans un pays toujours ravagé par les conflits armés.
Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) et le Programme Alimentaire Mondial (PAM), deux piliers de l’assistance humanitaire, subissent une réduction drastique de leurs budgets. La situation s’est aggravée depuis la suspension des fonds de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), consécutive au retour de Donald Trump à la Maison Blanche. En parallèle, les programmes de réinstallation vers les États-Unis sont également suspendus, coupant une voie d’espoir pour des milliers de réfugiés.
Une délégation congolaise sensibilise au rapatriement
Une délégation du gouvernorat du Sud-Kivu, s’étant récemment repliée après la reprise de Bukavu, chef-lieu de la province du Sud-Kivu, par les rebelles du M23 affiliés au mouvement politico-militaire hostile à Kinshasa, l’Alliance Fleuve Congo (AFC), s’est rendue au Burundi pour sensibiliser les réfugiés à se préparer au rapatriement.
Selon cette délégation, le gouvernement burundais, le HCR et le PAM ont demandé à la RDC de se préparer à accueillir ses ressortissants, faute de moyens suffisants pour poursuivre l’assistance. Le Burundi, confronté à un manque de terres disponibles, ne peut intégrer les réfugiés dans les communautés hôtes. La Banque africaine de développement (BAD) devrait faciliter le rapatriement. Mais sur le terrain, l’angoisse l’emporte sur l’optimisme.
« Ce jour-là, j’ai tout perdu. Ma maison, mes bêtes… et mon mari a été tué sous mes yeux. Aujourd’hui, on me parle de rentrer, mais c’est pour aller mourir. Là-bas, la guerre fait toujours rage », confie Mireille, originaire d’Uvira, réfugiée à Musenyi, dans le sud-est du Burundi, avec ses deux enfants.
La peur prime sur l’espoir
Faustin, arrivé au Burundi en 2002 après avoir fui la guerre opposant le RCD et le FLF dans le Sud-Kivu, vit aujourd’hui avec sa famille de six enfants. Espérant une réinstallation aux États-Unis, il voit ce programme bloqué.
« J’ai fui la guerre il y a plus de vingt ans. La paix n’est jamais revenue. Aujourd’hui, la situation est encore pire. Me demander de rentrer maintenant, c’est comme me dire d’aller mourir. On souffre ici, c’est vrai. Mais mourir de faim vaut mieux que mourir avec une cartouche dans le ventre », explique-t-il.
Un leader réfugié du camp de Kinama, au nord-est du Burundi, sous anonymat, résume le sentiment général :
« Le rapatriement est une bonne chose… mais seulement s’il y a la paix. Même aujourd’hui, des gens continuent de fuir la RDC. Dire à ceux qui viennent d’arriver de repartir, c’est les condamner à mort. »
Il exhorte le gouvernement congolais à restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire et à neutraliser tous les groupes armés.
Des solutions durables inaccessibles
Les réfugiés réclament également des mesures au Burundi : liberté de circulation pour chercher du travail et autorisations de sortie vers d’autres pays voisins comme l’Ouganda, le Kenya ou la Tanzanie.
Avec un PAM contraint de réduire les rations alimentaires et un HCR en déficit de financement, les structures humanitaires tirent la sonnette d’alarme :
« Si rien ne change, des milliers de personnes seront forcées de rentrer dans des zones où la guerre n’a jamais cessé », alerte un cadre humanitaire à Muyinga, dans la province de Buhumuza à l’est du Burundi.
Contexte sécuritaire dramatique en RDC
En RDC, plus de 120 groupes armés sont actifs, principalement dans l’Ituri, le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et le Tanganyika, responsables de conflits meurtriers et de violences à l’encontre des civils.
Le Burundi accueille actuellement plus de 90 000 réfugiés, répartis dans cinq camps, un site et des zones urbaines. Plus de 90 % d’entre eux viennent de l’est de la RDC, les autres provenant du Rwanda, du Soudan, de l’Ouganda et de la République centrafricaine.
Trois solutions durables sont normalement envisagées pour les réfugiés :
- Le retour volontaire dans le pays d’origine – quasi impossible pour les réfugiés congolais à cause de la guerre.
- L’intégration locale – inapplicable au Burundi, faute de terres disponibles et de ressources.
- La réinstallation dans un pays tiers – bloquée par les mesures migratoires restrictives, notamment aux États-Unis.
Les réfugiés congolais au Burundi restent pris au piège d’une impasse humanitaire où chaque option semble porter en elle le risque de la mort.
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Photo : Des nouveaux réfugiés congolais acceullis en province de Cibitoke, dans le nord-ouest du Burundi, frontalière avec le Congo, le 18 février 2025 © SOS Médias Burundi
