Nduta (Tanzanie) : morts suspectes et rumeurs d’empoisonnement dans le camp de réfugiés
SOS Médias Burundi
Nduta, 6 août 2025 — Un climat de peur s’installe dans le camp de réfugiés burundais de Nduta, au nord-ouest de la Tanzanie, après plusieurs décès suspects et des accusations d’empoisonnement. Depuis juillet, des rumeurs persistantes évoquent l’usage de substances toxiques ciblant certains réfugiés, en particulier ceux qui s’opposent au rapatriement forcé.
Face aux premiers décès, les rumeurs ont rapidement pris de l’ampleur parmi les réfugiés, alimentées par un climat de méfiance généralisée.
« Au début, on croyait qu’il s’agissait de rumeurs ou de superstition. Les gens ont d’ailleurs cessé de fréquenter certains bistrots et restaurants. On murmurait que le gouvernement burundais avait changé de tactiques pour nous traquer », confie un chef de village du camp.
La semaine dernière, au moins dix réfugiés, parmi eux des enseignants et des volontaires d’ONG humanitaires, sont décédés après avoir présenté des douleurs abdominales soudaines. Transportés en urgence à l’hôpital, ils ont succombé rapidement. Les examens médicaux n’ont pas permis de déterminer avec précision la cause de ces décès.
Arrestations après un incident troublant
L’affaire a pris un tournant lundi, lorsqu’un réfugié de la zone 5 a été surpris en train de « vouloir empoisonner son camarade ». Tout aurait commencé par un jeu macabre : l’homme aurait testé une substance suspecte sur ses chèvres et ses poules, qui sont mortes en quelques minutes.
Alertés, les voisins ont dénoncé le suspect, qui, après son arrestation, a mis en cause un cercle plus large de détenteurs de ce poison. Au moins cinq personnes ont depuis été arrêtées et placées dans les cachots de la police.
D’après une source administrative au camp, lors des premiers interrogatoires, les suspects auraient avoué détenir des produits toxiques visant à éliminer des réfugiés réticents au rapatriement organisé conjointement par le Burundi, la Tanzanie et le HCR.
Soupçons sur des complicités administratives
De nombreux réfugiés estiment que cette affaire pourrait impliquer des autorités locales du camp, voire des acteurs liés aux autorités burundaises. « On soupçonne une connivence pour traquer les opposants », accuse un militant réfugié.
Les occupants du camp exigent que justice soit faite et réclament des enquêtes indépendantes ainsi que des auditions publiques pour éclaircir les responsabilités.
Un camp au cœur des tensions
Le camp de Nduta, qui abrite plus de 58.000 réfugiés burundais, est réputé pour héberger des opposants politiques et des groupes hostiles au rapatriement volontaire. Ces derniers mois, les pressions tanzaniennes pour accélérer les retours forcés vers le Burundi ont alimenté la méfiance et exacerbé les tensions.
Cette affaire d’empoisonnement présumé vient raviver les craintes d’un climat de répression visant les voix dissidentes dans ce camp déjà sous haute surveillance.
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Photo : Une réfugiée burundaise prépare de la nourriture pour ses enfants dans le camp de Nduta, en Tanzanie. © SOS Médias Burundi
