Burundi : Kenny Claude Nduwimana interpelle le président dans une lettre ouverte sur sa détention prolongée
SOS Médias Burundi
Bujumbura, 5 juillet 2025 – Dans une lettre ouverte adressée au président Évariste Ndayishimiye, le journaliste burundais Kenny Claude Nduwimana dénonce une détention arbitraire qui dure depuis vingt mois, alors qu’il n’a été condamné qu’à huit mois de prison. Documents judiciaires à l’appui, il appelle le chef de l’État à intervenir pour mettre fin à ce qu’il qualifie de grave déni de justice.
Dans son courrier, Nduwimana évoque d’autres cas révélateurs des dérives du système judiciaire, dont celui de Lazare Safari, un vieil homme handicapé accusé de viol malgré son état physique fragile, ainsi que celui de Rachelle, une femme de plus de 80 ans emprisonnée pour sorcellerie, une infraction qui n’existe pas dans la loi burundaise. « La place des personnes âgées n’est certainement pas la prison », écrit-il.
Un emprisonnement aux contours irréguliers
Journaliste depuis plus de dix ans, Nduwimana raconte avoir été arrêté après avoir enquêté sur une spoliation foncière impliquant des responsables locaux. Avant son arrestation, il affirme avoir été menacé à plusieurs reprises par un responsable du renseignement.
Initialement accusé d’atteinte à l’honneur des institutions, puis d’escroquerie et enfin d’atteinte à la sûreté intérieure, il a été condamné à huit mois de prison. Or, il est toujours détenu. Il est actuellement détenu à la prison centrale de Bujumbura, dite Mpimba.
Un extrait du jugement du Tribunal de Grande Instance de Mukaza, dans la capitale économique Bujumbura, daté du 26 août 2024, confirme cette peine. De plus, une attestation de non-appel délivrée par la Cour d’appel de Bujumbura-Mairie le 12 décembre 2024 stipule que le dossier est clos, conformément à la loi.
Des décisions judiciaires ignorées
Malgré ces documents, sa libération n’a jamais été exécutée. « J’ai plusieurs fois demandé ma libération, en vain. Aujourd’hui, je totalise vingt mois de détention, alors que ma peine réelle est de huit mois. Cela constitue une grave injustice », dénonce-t-il.
Lors de la troisième audience, un officier de police est intervenu pour affirmer, sans preuves ni témoins, que le journaliste l’avait insulté. Cette déclaration a conduit à une condamnation qui ne justifie cependant pas la détention prolongée.
Un appel direct au chef de l’État
Dans sa lettre, Nduwimana interpelle directement le président burundais. Il l’exhorte à intervenir pour mettre fin aux abus d’autorité et à la corruption qui gangrènent la justice. « Excellence, si cela arrive à un journaliste, qu’en est-il alors du citoyen ordinaire ? », questionne-t-il.
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Il insiste sur la nécessité d’une réforme profonde du système judiciaire, soulignant que l’absence d’équité pousse de nombreux Burundais, notamment les commerçants, à quitter le pays pour s’installer ailleurs.
Un signal d’alarme pour l’État de droit
L’affaire Nduwimana met en lumière une justice où les décisions de tribunal ne sont pas appliquées et où les droits fondamentaux sont ignorés. « Notre métier est humanitaire. Nous, journalistes, ne sommes pas des criminels, mais les voix des sans-voix. La prison ne doit pas être le prix de la vérité », écrit-il.
Une copie de sa lettre a été adressée à plusieurs institutions nationales et internationales, dont l’Union européenne, l’Union africaine, la Commission des droits de l’homme de l’ONU et la Nonce apostolique au Burundi.
Cette affaire risque de raviver les critiques sur l’indépendance de la justice burundaise, déjà régulièrement dénoncée par les organisations de défense des droits humains.
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Photo : le journaliste Kenny Claude Nduwimana, qui interpelle le chef de l’État dans une lettre ouverte, Bujumbura, 2025 © SOS Médias Burundi
