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Plus de 200 personnes arrêtées et détenues à Bwambarangwe : tensions dans le secteur du transport au Burundi

SOS Médias Burundi

Busoni, 31 juillet 2025 – Une vaste opération policière a conduit à l’arrestation de plus de 200 personnes samedi dernier dans plusieurs provinces du Burundi. Les interpellés ont été transférés au commissariat de Bwambarangwe, en commune de Busoni, province de Butanyerera, dans le nord du pays.

Selon plusieurs sources concordantes, les arrestations se sont déroulées dans la capitale économique Bujumbura, notamment aux abords des agences de transport, mais aussi dans les communes de Cibitoke, Rumonge, Bubanza, Makamba et Burunga, situées dans le nord-ouest et le sud-ouest du pays.

Des arrestations ciblant trois catégories d’acteurs

Toutes les personnes arrêtées sont de sexe masculin et appartiennent principalement à trois catégories :

Les commissionnaires de tickets, accusés d’acheter des billets de voyage en complicité avec les convoyeurs pour les revendre à des prix excessifs.

Les “Abakokayi”, des rabatteurs qui opèrent dans un climat de forte concurrence, souvent marqué par des tensions.

Les chauffeurs en grève, qui protestent contre la stagnation des tarifs officiels alors que le carburant est devenu quasi introuvable et ne se trouve que sur le marché noir à des prix exorbitants.

Des bus cloîtrés dans un parking à Cibitoke, une des communes où la grève des chauffeurs a été fortement observée et où plusieurs interpellations ont eu lieu. © SOS Médias Burundi

Carburant introuvable et flambée des prix des tickets

Le prix officiel d’un ticket Bujumbura–Muyinga ou Bujumbura–Kirundo, en province de Butanyerera, est fixé à 16.500 FBu. Pourtant, depuis plus de trois semaines, les passagers déboursent entre 30.000 et 50.000 FBu pour les mêmes trajets.

Cette flambée s’explique par une pénurie persistante de carburant : un litre, officiellement vendu 4.000 FBu, s’achète désormais à plus de 22.000 FBu sur le marché noir. Plusieurs compagnies de transport ont été sanctionnées par des amendes d’un million de FBu pour dépassement illégal des prix.

Les chauffeurs en grève dénoncent une situation intenable

Estimant travailler à perte, les chauffeurs ont déclenché une grève qui paralyse progressivement les déplacements. Sur certaines lignes, les tarifs explosent :

Ngozi–Bujumbura : un trajet en Probox (taxis collectifs) coûte désormais entre 60.000 et 80.000 FBu, contre 25.000 auparavant ;

Muyinga–Ngozi : le tarif est passé de 15.000 à 40.000 FBu.

Face à cette crise, le ministère de l’Intérieur a ordonné l’arrestation de plusieurs acteurs du secteur, qui ont été transportés à Bwambarangwe à bord de camions de police.

Conditions de détention jugées alarmantes

Selon des témoins, en raison du surnombre, les détenus ne sont pas enfermés dans des cachots mais gardés dans la cour intérieure du commissariat de Bwambarangwe.
Privés de visites officielles, ils dépendent de la générosité de la population locale qui leur apporte eau et nourriture.

Des habitants craignent une propagation de maladies comme le choléra ou la dysenterie, en raison de l’hygiène précaire.

Inquiétudes des organisations de défense des droits humains

Plusieurs associations de défense des droits de l’homme exhortent les autorités à garantir des conditions de détention dignes, voire à transférer les interpellés vers leurs provinces d’origine pour éviter la surpopulation carcérale et limiter les risques sanitaires.

Contactées, la police et l’administration ont refusé de répondre aux questions de SOS Médias Burundi.

Une crise persistante qui fragilise tout le secteur

Ces arrestations surviennent alors qu’une grève des chauffeurs paralyse depuis le week-end dernier les transports dans la petite nation de l’Afrique de l’Est.
Les transporteurs refusent d’appliquer les tarifs officiels, qu’ils jugent irréalistes, car ils doivent s’approvisionner en carburant sur le marché noir à plus de cinq fois le prix officiel ou s’en procurer en Tanzanie et en RDC.

La crise du carburant, qui dure depuis près de 56 mois, continue de fragiliser le secteur du transport et d’alimenter un climat social de plus en plus tendu au Burundi.

Jusqu’à présent, on ignore les raisons du choix du commissariat de Bwambarangwe, situé dans une commune frontalière avec le Rwanda, comme lieu de détention pour l’ensemble de ces interpellés.

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Photo : Des passagers bloqués sur un parking de bus et taxis collectifs reliant la ville commerciale Bujumbura — où se concentre l’administration centrale — à différentes provinces. © SOS Médias Burundi