Burundi : pénurie de carburant et amendes record paralysent tout le réseau de transport
SOS Médias Burundi
Bujumbura, 29 juillet 2025 – Une paralysie totale du transport en commun s’abat sur la petite nation de l’Afrique de l’Est. Depuis dimanche, puis tout au long de ce lundi, les parkings de Bujumbura, Gitega, Rumonge, Rugombo et d’autres localités du pays sont restés déserts. Aucun bus, aucune voiture de transport en commun ne circule. La grève spontanée des chauffeurs s’étend, plongeant des milliers de voyageurs dans la détresse.
À l’ancien Complexe textile de Bujumbura (Cotebu), aujourd’hui Afritextile, parking stratégique de la capitale économique où sont concentrées les agences des Nations-Unies et l’administration centrale, les voyageurs sont massés sous un soleil accablant. Aucun véhicule ne circule.
Martin Niyonizeye, chauffeur sur la ligne Bujumbura–Bubanza, raconte :
« Ce matin, nous avons embarqué les passagers. Aux barrières, les autorités les ont interrogés sur le montant payé — 10 000 FBu jusqu’à Bubanza. Sans écouter nos explications, elles nous ont infligé une amende d’un million. »
Le même scénario s’est répété sur la ligne vers Gitega, capitale politique du pays. Prosper Ndagano témoigne avoir lui aussi été sanctionné pour avoir appliqué un tarif supérieur au prix officiel, jugé irréaliste par les transporteurs.

Des passagers bloqués au parking -Cotebu, le lundi 28 juillet 2025 © SOS Médias Burundi
Carburant de contrebande, prix en flèche
Les chauffeurs dénoncent l’absence de carburant dans les stations-service depuis des mois. Pour continuer à travailler, ils s’approvisionnent en contrebande en RDC et en Tanzanie, où un bidon de 20 litres coûte entre 300 000 et 350 000 FBu, soit près de quatre fois le prix officiel.
« Un litre et demi coûte aujourd’hui plus de 28 000 FBu. Nous travaillons à perte », affirme un conducteur rencontré à Rugombo, dans la province de Bujumbura.
Face à cette situation, les transporteurs réclament que l’État assure l’approvisionnement en carburant ou les autorise à fixer librement les prix pour couvrir leurs coûts.
Rumonge, Rugombo, Gitega… un mouvement qui s’étend
À Rumonge, dans le sud-ouest du pays, dès dimanche, les bus reliant cette ville à Bujumbura étaient absents. La grève a été déclenchée après que le ministre de l’Intérieur, Martin Niteretse, a ordonné l’application stricte du tarif officiel de 6 500 FBu pour ce trajet. Les chauffeurs affirment que ce prix est intenable face au coût réel du carburant.
À Rugombo, dans la province de Bujumbura, les conducteurs rassemblés au parking refusent de reprendre la route. Ils protestent contre les amendes record et le manque de dialogue avec les autorités.
« Nous avons décidé d’arrêter jusqu’à ce que le gouvernement accepte que nous fixions nous-mêmes les prix », déclare l’un d’eux.
Des passagers abandonnés à leur sort
Partout, les usagers vivent un calvaire. Christophe Yamuremye, voyageur bloqué avec sa famille, confie :
« Nous sommes partis de Bubanza pour aller à Gitega. Nous cherchons une voiture depuis des heures, mais il n’y a rien. Je suis totalement perdu. »
Une femme bloquée à Rugombo déplore : « Ces décisions ne punissent pas les spéculateurs, mais bien les usagers. »

Le parking de Rugombo, dans la province de Bujumbura, est resté vide suite à une grève improvisée des chauffeurs. © SOS Médias Burundi
Les autorités campent sur leur position
Interrogé, un commissaire provincial basé dans la région de Cibitoke, au nord-ouest du pays, prévient qu’il fera respecter les consignes reçues :
« Je suis en train de faire appliquer les ordres de mes supérieurs », a-t-il déclaré, sans annoncer de mesures d’apaisement.
Le gouvernement reste ferme sur l’application des tarifs administrés et la lutte contre la spéculation. Mais la crise met en lumière l’absence de solutions structurelles face à la pénurie de carburant qui frappe le pays depuis bientôt 56 mois.
Alors que le bras de fer entre chauffeurs et autorités s’intensifie, la pénurie de carburant et les amendes record paralysent tout le réseau de transport. Les voyageurs, eux, se retrouvent otages d’une situation qui ne semble pas près de se dénouer.
________________________________________________
Photo : Des bus d’une compagnie de transport en commun cloués dans un parking de la ville commerciale de Bujumbura. © SOS Médias Burundi
