Derniers articles

Bujumbura : zones d’ombre autour du cas de Ruboneka, arrêté et envoyé express à Kinshasa

SOS Médias Burundi

Bujumbura, 29 juillet 2025 – Arrêté le dimanche 27 juillet à Bujumbura, la capitale économique du Burundi, par les services de sécurité burundais, Laurent Ruboneka Musabwa, employé de l’ambassade de la RDC et figure de la communauté Banyamulenge, a été transféré en toute discrétion vers Kinshasa moins de 24 heures plus tard. Cette opération, menée dans un silence total des autorités burundaises et congolaises, suscite de vives inquiétudes et de nombreuses interrogations sur les motifs de cette procédure expéditive.

Laurent Ruboneka Musabwa, ressortissant congolais membre de la communauté Banyamulenge, est notamment secrétaire de la Mutualité Shikama des Banyamulenge à Bujumbura et président de l’association des survivants du massacre de Gatumba, survenu le 13 août 2004. Ce massacre, perpétré dans un camp de réfugiés géré par le HCR situé à une vingtaine de kilomètres de Bujumbura, a coûté la vie à plus de 160 personnes, majoritairement des Banyamulenge. En parallèle, il est employé de l’ambassade de la République démocratique du Congo (RDC) au Burundi.

Selon des informations concordantes, les agents l’auraient informé que des membres des services de renseignement congolais souhaitaient simplement « s’entretenir » avec lui. Moins de 24 heures plus tard, Ruboneka se retrouvait à bord d’un vol à destination de Kinshasa, escorté par des agents congolais.

D’après ses proches, Ruboneka n’a reçu ni convocation officielle, ni précision sur les accusations à son encontre. Ce qui devait être un simple entretien s’est rapidement transformé en un transfert discret vers la capitale congolaise.

La rapidité de l’opération et l’absence de communication officielle de la part des autorités burundaises comme congolaises ont provoqué une vive inquiétude dans son entourage.

« Un agent burundais m’a glissé l’information en cachette ce matin. Il m’a dit que Laurent avait déjà quitté le pays, escorté par des membres du renseignement congolais. Tout s’est fait dans le plus grand silence, sans même prévenir sa famille », confie un proche, sous anonymat.

La femme du concerné s’est rendue ce lundi à l’ambassade pour s’enquérir de la situation mais n’a pas été reçue, a appris SOS Médias Burundi de sources proches du dossier.

Silence officiel et interrogations

Depuis son transfert, ni les autorités burundaises ni congolaises n’ont publié de déclaration officielle. Ce silence renforce les interrogations sur la légalité de la procédure, le sort de Ruboneka à Kinshasa et les véritables raisons de son arrestation.

Un contexte régional explosif

Cette arrestation survient alors que la région est en proie à une escalade de tensions diplomatiques et militaires. Ces derniers mois, plusieurs membres de la communauté Banyamulenge, y compris des réfugiés, ont été arrêtés au Burundi, accusés de collaborer avec le M23 ou d’espionner pour le Rwanda.

Le Burundi, allié militaire de Kinshasa, a déployé environ 10 000 soldats en RDC pour combattre aux côtés des FARDC, l’armée loyaliste du Congo, et des milices Wazalendo entretenues par les autorités de Kinshasa, contre le M23 et l’Alliance Fleuve Congo, un mouvement politico-militaire auquel est affilié le M23 qui contrôle désormais les chefs-lieux des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu dans l’est du Congo ainsi que plusieurs autres zones stratégiques riches en minerais.

Gitega accuse Kigali de soutenir ces mouvements rebelles et de planifier des incursions, tandis que le Rwanda rejette ces accusations et dénonce l’appui présumé de Kinshasa et des autorités burundaises aux génocidaires hutus des FDLR (Forces de libération du Rwanda).

Dans ce climat de méfiance, l’arrestation et le transfert express de Laurent Ruboneka Musabwa vers Kinshasa envoient un signal inquiétant pour les diasporas congolaises au Burundi, déjà fragilisées par les pressions politiques transfrontalières et les suspicions sécuritaires.

________________________________________________

Photo : Laurent Ruboneka Musabwa, arrêté par les services burundais à Bujumbura le 27 juillet 2025, puis transféré dans la capitale congolaise Kinshasa dans la discrétion totale. © DR