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Bujumbura : les services secrets arrêtent un employé de l’ambassade de la RDC, figure des Banyamulenge

SOS Médias Burundi

Bujumbura, 28 juillet 2025 – L’arrestation ce dimanche à l’aube de Laurent Ruboneka Musabwa par des agents du Service national de renseignements (SNR), des policiers et des militaires suscite une vive inquiétude au sein de la communauté Banyamulenge et dans les milieux diplomatiques. Alors que les autorités burundaises gardent le silence, cette interpellation s’inscrit dans un climat régional tendu, marqué par les soupçons visant des membres de la diaspora congolaise et des réfugiés issus de la communauté Banyamulenge.

Laurent Ruboneka Musabwa est secrétaire de la Mutualité Shikama des Banyamulenge à Bujumbura, président des survivants du massacre de Gatumba et employé de l’ambassade de la RDC.
Le massacre de Gatumba, survenu le 13 août 2004 dans un camp géré par le HCR, a coûté la vie à plus de 160 Congolais, majoritairement des Banyamulenge, à une vingtaine de kilomètres de Bujumbura, capitale économique du Burundi où sont concentrées les agences des Nations unies et l’administration centrale, et non loin de la frontière burundo-congolaise.

Une opération musclée à l’aube

Dans la matinée de ce dimanche 27 juillet, des militaires et policiers burundais, dont certains en civil, entourent dès 5h la maison où réside Laurent Ruboneka Musabwa, dans le quartier Rohero, à Bujumbura. Vers 7h, ils pénètrent dans le domicile et exigent qu’il les suive. Laurent Ruboneka Musabwa contacte ses supérieurs à l’ambassade, qui lui conseillent de ne pas obtempérer avant leur arrivée. Malgré cela, les agents l’emmènent de force, ignorant les usages diplomatiques.

Flou total sur les motifs de l’interpellation

Aucune procédure judiciaire n’est annoncée. Les forces de l’ordre évoquent la venue d’une délégation des services de renseignement de Kinshasa souhaitant s’entretenir avec lui. Selon les informations recueillies, il est conduit à l’état-major général de l’armée burundaise, mais ses proches ne peuvent ni le localiser précisément ni entrer en contact avec lui.

Un homme sous pression et un climat de suspicion

Laurent Ruboneka Musabwa subit des pressions depuis plusieurs semaines. Des proches affirment qu’il se sent surveillé et qu’il fait l’objet de discriminations au sein même de son environnement professionnel. Un collaborateur, sous anonymat, témoigne :

« Depuis plusieurs semaines, Laurent nous dit qu’il se sent suivi. Des rapports anonymes circulent contre lui, sans preuves, et certains collègues de l’ambassade commencent à le mettre à l’écart. »

Des sources internes parlent de rapports émanant de membres de la communauté Banyamulenge eux-mêmes, transmis aux services de renseignement. Aucun fondement clair n’est toutefois présenté.

Un contexte régional explosif

Cette arrestation survient dans un contexte de fortes tensions régionales. Ces derniers mois, plusieurs membres de la communauté Banyamulenge, y compris des réfugiés, sont arrêtés au Burundi, accusés de collaborer avec le M23 ou d’espionner pour le Rwanda.

Le M23, ancienne rébellion ayant repris les armes fin 2021, reproche aux autorités congolaises de ne pas avoir respecté leurs engagements de réinsertion. Kinshasa accuse Kigali de soutenir le M23 et l’Alliance Fleuve Congo, mouvement politico-militaire allié. Des experts de l’ONU affirment que le Rwanda déploie au moins 4.000 soldats en soutien aux rebelles.

Dans le cadre de sa coopération militaire avec la RDC, le Burundi du président Évariste Ndayishimiye – qui accuse Paul Kagame d’envahir le Congo et de planifier des incursions au Burundi – déploie environ 10.000 soldats contre le M23. Ces troupes combattent aux côtés des FARDC, l’armée loyaliste du Congo, et des milices Wazalendo entretenues par les autorités de Kinshasa. Kigali nie ces accusations et accuse Kinshasa d’armer les génocidaires hutus des FDLR pour déstabiliser le Rwanda. Le président congolais Félix Tshisekedi qualifie pour sa part les FDLR de force résiduelle ne représentant plus une menace.

Un signal inquiétant pour les diasporas congolaises

L’arrestation de Laurent Ruboneka Musabwa, dans ce contexte de tensions régionales et de méfiance envers la communauté Banyamulenge, soulève de sérieuses questions sur les pressions politiques transfrontalières et sur le respect des droits fondamentaux des diasporas congolaises installées dans la petite nation de l’Afrique de l’Est.

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Photo : Laurent Ruboneka Musabwa, arrêté par les services burundais à Bujumbura le 27 juillet 2025, est détenu dans un lieu non communiqué à ses proches. (DR)