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Bugendana et Teza : 29 ans après, les rescapés des massacres qualifiés de génocide exigent vérité et justice

SOS Médias Burundi

Gitega, 28 juillet 2025- Vingt-neuf ans après les massacres de Bugendana et de Teza, où 648 déplacés et 90 travailleurs de l’usine de thé furent assassinés, les survivants et leurs associations continuent de dénoncer l’impunité et le négationnisme. Lors des commémorations, AC Génocide Cirimoso a pointé du doigt la responsabilité du régime actuel et appelé l’ONU à faire appliquer ses propres recommandations pour que justice soit enfin rendue aux victimes.

Contrairement à son voisin du nord, le Rwanda — où le génocide de 1994 contre les Tutsis est reconnu par l’ONU —, la petite nation de l’Afrique de l’Est peine à s’accorder sur la qualification des crimes qui ont marqué son histoire récente. Ces massacres, que des associations de lutte contre le génocide et des défenseurs des droits de la minorité tutsie qualifient de génocide, demeurent un sujet de discorde dans un pays où les mémoires restent divisées.

Les Tutsis réclament la reconnaissance du génocide commis contre eux lors des massacres de 1993, consécutifs à l’assassinat du président Melchior Ndadaye, premier chef de l’État issu de l’ethnie hutue. De leur côté, des associations hutues et des partis politiques, dont le Frodebu et le CNDD-FDD — ancienne rébellion hutue arrivée au pouvoir grâce à l’accord de paix d’Arusha d’août 2000 — militent pour qualifier de « génocide contre les Hutus » les tueries de 1972, qui ont emporté un nombre massif de membres de cette communauté. En mai 2022, le président Évariste Ndayishimiye a refusé d’entériner la décision de l’Assemblée nationale qui, sur la base d’un rapport de la très controversée Commission Vérité et Réconciliation (CVR), voulait reconnaître officiellement les massacres de 1972 comme un génocide contre les Hutus.

Une commémoration sous le signe de la mémoire et de l’appel à la justice

Lors de la cérémonie commémorative organisée sur le site des déplacés de Bugendana, dans la nouvelle province de Gitega (centre du Burundi), ce dimanche 27 juillet, l’Abbé Vianney Nizigiyimana a exhorté les Burundais à rejeter la vengeance et à promouvoir la paix.

Mais les rescapés, à travers leurs représentants, ont exprimé un profond sentiment d’abandon. Oswald Ntirampeba, chef du site, et Maître Pascal Ntahonkuriye, président de l’Association des rescapés des massacres de Bugendana, ont dénoncé la précarité persistante : absence d’accès aux services sociaux de base et menaces de déguerpissement. Ils ont plaidé pour la transformation du site en un « village de paix » et exigé l’ouverture d’enquêtes indépendantes.
« Il est temps que la justice fasse son travail », a martelé Maître Ntahonkuriye.

AC Génocide Cirimoso dénonce l’impunité et le négationnisme

Dans un communiqué publié à Toronto le 27 juillet, l’association AC Génocide Canada, par la voix de son secrétaire général Dr Emmanuel Nkurunziza, a rappelé que ces massacres avaient été qualifiés de génocide contre les Tutsis par l’ONU dans un rapport de 1996 (S/1996/682), tout en soulignant que cette reconnaissance n’a jamais été entérinée par l’État burundais.

L’organisation a dénoncé :

l’impunité des auteurs, qui continueraient de commettre des crimes dans l’Est de la RDC ;

la persécution morale et physique des rescapés par un régime qualifié de « génocidaire impuni et impénitent » ;

les amalgames qui minimisent la gravité de ces crimes, considérés comme une forme de négationnisme ;

la campagne révisionniste menée par la CVR, accusée de travestir l’histoire en évitant de reconnaître les massacres ciblés de 1996 et le génocide contre les Tutsis du Burundi en 1972.

Elle appelle l’ONU à assumer sa responsabilité en appliquant les recommandations de sa Commission d’enquête et en veillant à ce que justice soit rendue.

Un devoir de mémoire et de vérité

Intervenant au nom de l’administration communale, Dieudonné Hakizimana a évoqué les crises récurrentes du pays, appelant à en tirer des leçons pour bâtir une cohabitation pacifique.

Pour sa part, le professeur Lothaire Niyonkuru, président de l’association AC Génocide Cirimoso, a pointé du doigt l’impunité qui règne au Burundi, notamment le silence de la CVR sur cet épisode tragique. Il a mis en garde contre la résurgence des discours de haine à caractère ethnique, religieux et régional, alors que les blessures restent vives.

Selon des rescapés de cette barbarie, les localités de Bugendana, Mutaho (Gitega) et Gihogazi (anciennement dans Karusi), à l’époque étaient sous le contrôle des rebelles Hutus du FDD, un groupe armé qui deviendra plus tard le parti CNDD-FDD, aujourd’hui au pouvoir dans la petite nation de l’Afrique de l’Est.

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Photo : des représentants d’associations et des membres des familles des victimes participent à une messe en mémoire des victimes tutsies des massacres de Bugendana et de Teza, le 27 juillet 2025 à Bugendana © SOS Médias Burundi