RDC : Un accord signé à Doha, mais la guerre reprend dans l’Est

SOS Médias Burundi
Bukavu, 21 juillet 2025 – À peine signé, déjà fragilisé : l’accord de principes paraphé à Doha entre le gouvernement congolais et le M23 n’a pas résisté à l’épreuve du terrain. Moins de 24 heures après la cérémonie, des combats ont éclaté dans le Sud-Kivu, ravivant les doutes sur la portée réelle de cette initiative diplomatique.
Le 19 juillet, à Doha, la République démocratique du Congo et l’Alliance Fleuve Congo/Mouvement du 23 mars (AFC/M23) ont signé une Déclaration de principes visant à ouvrir la voie à un accord de paix global. Ce texte, fruit de trois mois de négociations directes facilitées par l’État du Qatar, devait servir de socle pour un règlement durable du conflit dans l’est du pays.
Parmi les engagements clés figurent :
- L’instauration d’un cessez-le-feu permanent, incluant l’arrêt des offensives terrestres, aériennes, lacustres, ainsi que de toute propagande incitant à la haine ou à la violence ;
- La mise en place d’un mécanisme de vérification du cessez-le-feu, avec la participation de la MONUSCO et d’acteurs régionaux si nécessaire ;
- Des mesures de confiance, dont la libération de détenus dits « d’intérêt » sous la facilitation du CICR ;
- Une feuille de route pour restaurer l’autorité de l’État dans l’Est, à préciser dans l’accord final ;
- L’engagement au retour volontaire et digne des réfugiés et déplacés internes, en collaboration avec les pays d’accueil et le HCR.
Les signataires étaient Sumbu Sita Mambu, représentant spécial du président Tshisekedi pour les processus de Luanda et de Nairobi, et Benjamin Mbonimpa, secrétaire permanent de l’AFC/M23.
Les deux parties ont convenu d’appliquer les dispositions de l’accord d’ici le 29 juillet et d’ouvrir les négociations pour l’accord de paix au plus tard le 8 août, pour une signature envisagée au plus tard le 18 août. Elles ont salué la médiation du Qatar, le soutien des États-Unis et l’appui de l’Union africaine.
Reprise des hostilités dès le lendemain
Mais sur le terrain, la réalité a brutalement rattrapé les engagements diplomatiques. Dès le 20 juillet, de violents combats ont opposé des éléments du M23 aux milices Wazalendo sur l’axe Businga–Kanjabi–Munganzo, dans le territoire de Walungu (Sud-Kivu).
Les affrontements ont provoqué la paralysie totale des activités dans les villages du groupement Nyangezi–Karongo. À Businga, le marché dominical est resté désert. Boutiques closes, rues vides, habitants cloîtrés chez eux : une atmosphère de panique a gagné la zone.
Selon plusieurs témoins, les tirs nourris ont poussé les populations de Bwenda et Muhono à se réfugier dans leurs habitations. La société civile locale avait pourtant tiré la sonnette d’alarme ces derniers jours, évoquant un renforcement du dispositif militaire du M23-AFC dans cette région.
Le M23 accuse Kinshasa de torpiller l’accord
Dans une déclaration publiée sur le réseau X (ex-Twitter), Lawrence Kanyuka, responsable de la communication de l’AFC/M23, a accusé les autorités congolaises de violer les termes de l’accord de Doha :
« Alors que tous s’enlisent dans l’interprétation de la déclaration de principes, le régime illégitime de Kinshasa poursuit sans relâche le déploiement de ses troupes sur tous les fronts, dirige ses armes lourdes vers des zones densément peuplées et intensifie les offensives dans les Hauts-Plateaux d’Uvira, contre les villages Banyamulenge de Rurambo. Ces attaques, menées par ses forces coalisées (FARDC, FDLR, Maï-Maï Wazalendo et la Force de Défense du Burundi), ont causé la mort de nombreux civils, aggravant une crise humanitaire déjà catastrophique. »
Un climat de scepticisme persistant
Sur place, l’accord ne suscite guère d’enthousiasme. À Goma, Denis Cicéron, acteur de la société civile, appelle à la prudence :
« Il faut que les deux parties puissent se mettre d’accord sur l’application réelle de cet accord, si l’on veut trouver une solution durable aux problèmes sécuritaires dans notre province, constamment attaquée par des groupes armés. »
Un contexte explosif
Le M23, rébellion tutsi jadis active au début des années 2010, a repris les armes fin 2021. Il reproche au gouvernement congolais de n’avoir pas respecté les engagements pris concernant la réinsertion de ses combattants. Aujourd’hui, le mouvement contrôle plusieurs centres stratégiques dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, régions riches en ressources minières.
Affilié à l’Alliance Fleuve Congo, un groupement politico-militaire hostile à Kinshasa, le M23 est accusé par les autorités congolaises et des experts de l’ONU d’être soutenu par le Rwanda — ce que Kigali dément avec insistance.
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Photo : Des habitants fuient les combats entre l’armée congolaise et les rebelles du M23, non loin de la ville de Goma tombée aux mains du mouvement en janvier 2025. © SOS Médias Burundi