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À Rwibaga, la pomme de terre avance, la forêt recule

SOS Médias Burundi

Rwibaga, 20 juillet 2025 –Alors que le Burundi poursuit sa campagne nationale de reboisement « Ewe Burundi urambaye », portée par les plus hautes autorités pour restaurer les écosystèmes et lutter contre les effets du changement climatique, une tendance contraire s’installe à Mugongo-Manga et Mukike. C’est en commune de Rwibaga, dans la province de Bujumbura (Ouest du Burundi). Là-bas, la culture de la pomme de terre gagne du terrain, au sens propre : les forêts cèdent peu à peu la place aux champs, au prix d’une déforestation accélérée.

Face à la pression démographique et à la nécessité de survivre, de nombreuses familles locales se tournent vers cette culture jugée rentable et bien adaptée au climat des hauts plateaux.

« Ici, c’est la pomme de terre qui nous permet de vivre. On n’a pas d’autre choix, même si on coupe les arbres », confie Évariste, un agriculteur de Mugongo-Manga.

Mais pour étendre les surfaces cultivables, les eucalyptus et autres espèces d’arbres sont abattus sans retenue. Les flancs des collines, autrefois couverts de forêts, sont désormais mis à nu, fragilisant les sols et les exposant aux aléas climatiques.

Les conséquences écologiques sont déjà visibles : érosion des sols, glissements de terrain, disparition de certaines sources d’eau et baisse notable de la fertilité des terres.

« Avant, il y avait une source au bas de la colline. Elle a disparu depuis qu’on a enlevé les arbres », témoigne Alphonsine, habitante de Mukike.

À cela s’ajoutent les effets du changement climatique, qui se manifestent par des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes, suivies de pluies diluviennes qui détruisent les récoltes. Un cercle vicieux s’installe : pour cultiver davantage, on détruit les arbres, mais cette destruction rend la terre moins fertile, moins productive, et donc plus vulnérable.

Ce paradoxe interroge : alors que l’État investit dans le reboisement à l’échelle nationale, certaines localités, par manque d’encadrement et d’alternatives, alimentent une déforestation préoccupante. Comment concilier sécurité alimentaire et préservation de l’environnement ?

Des solutions existent pourtant. L’agroforesterie permet, par exemple, de cultiver tout en maintenant une couverture arborée. La rotation des cultures, l’usage de techniques de conservation des sols ou encore l’introduction de cultures alternatives moins destructrices pourraient également atténuer la pression sur les forêts.

« On nous parle d’agroforesterie, mais personne ne vient nous montrer comment ça marche », déplore Jean-Marie, un jeune agriculteur de Rwibaga.

Le gouvernement burundais, en collaboration avec les autorités locales, doit agir sans tarder. Il est impératif de faire respecter les lois environnementales, d’encadrer les pratiques agricoles et de sanctionner les atteintes aux écosystèmes. Faute de quoi, les efforts nationaux de reboisement risquent d’être vains.

L’avenir écologique du pays ne peut être garanti si, d’un côté, on plante des arbres, et de l’autre, on les abat pour survivre. Protéger les forêts de Mukike et Mugongo-Manga est une responsabilité collective. Il est temps que la loi vienne au secours de l’arbre, avant que la pomme de terre ne devienne le moteur silencieux d’une désertification annoncée. La survie des générations futures en dépend.

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Photo : Deux hommes dans un champ de pommes de terre aménagé à la place d’un ancien bosquet d’eucalyptus, à Mukike. Les forêts naturelles sont progressivement détruites au profit de cette culture jugée rentable. © SOS Médias Burundi