Bubanza : des enseignants accusés d’avoir monnayé des notes, 35 finalistes privés de diplôme
SOS Médias Burundi
Un scandale secoue l’école technique privée Bon Avenir, implantée dans la commune de Bubanza, à l’ouest du Burundi. Trente-cinq élèves finalistes affirment avoir été écartés de la liste des diplômés, malgré avoir payé certains enseignants pour garantir leur réussite. Les témoignages évoquent un système de corruption bien établi, auquel ni l’administration de l’établissement, ni les autorités éducatives locales n’auraient mis fin.
« J’ai remis 300.000 francs burundais à un enseignant qui m’avait promis les points nécessaires. À ma grande surprise, j’ai échoué », raconte un élève recalé.
Selon plusieurs élèves et parents, ces pratiques sont loin d’être nouvelles. Le système aurait été instauré depuis plusieurs trimestres, ciblant tout particulièrement les élèves en année terminale. Ceux qui ne cédaient pas aux sollicitations financières voyaient leurs chances de réussite compromises.
« Mon fils a été recalé parce qu’il a refusé de payer 200.000 francs à un enseignant », affirme un parent.
Irrégularités en cascade
Lors des délibérations du troisième trimestre, 23 finalistes n’ont pas obtenu leur diplôme. Pourtant, plusieurs d’entre eux affirment avoir payé pour garantir leurs résultats. À l’inverse, certains élèves ont été déclarés admis alors qu’ils avaient manqué des épreuves essentielles.
« Nous avons demandé à voir nos copies d’examen, mais aucune ne nous a été présentée », explique un autre élève. « Nous avons même saisi le directeur communal de l’éducation (DCE), sans retour. »
Une lettre d’alerte avait été envoyée aux autorités éducatives locales une semaine avant la passation de l’examen d’État. En réponse, une enquête sommaire avait été diligentée par le DCE, concluant que les plaintes « ne méritaient pas de correction ».
Une commission ministérielle alerte sur des fraudes graves
Face à l’escalade des protestations, des élèves accompagnés de leurs parents se sont rendus au ministère de l’Éducation, à Bujumbura. Une commission spéciale composée de quatre conseillers pédagogiques, envoyée par la Direction provinciale de l’Éducation (DPE), a mené une mission de quatre jours sur place.
« Ce que nous avons trouvé est accablant », confie une source proche du dossier à SOS Médias Burundi.
Les investigations révèlent un système bien organisé. Des enseignants exigeaient de l’argent contre des notes avantageuses. Les garçons étaient ciblés pour des paiements en espèces, tandis que certaines filles auraient reçu des propositions à caractère sexuel. Les notes étaient attribuées de manière arbitraire, sans conservation ni traçabilité des copies d’examen.
« Depuis le premier trimestre, nous réclamons nos copies. Le directeur nous a dit qu’elles avaient été perdues lors d’un déménagement », déplore un parent.
La commission a également relevé que 12 élèves, pourtant initialement déclarés admis, ont été rayés de la liste finale. Leur admission aurait été obtenue de manière frauduleuse. Malgré ces révélations, aucun enseignant mis en cause n’a été sanctionné à ce jour.
Un directeur au passé controversé
L’établissement Bon Avenir, longtemps considéré comme une référence en matière de formation professionnelle dans la région, voit aujourd’hui sa réputation entachée. Le directeur de l’école, figure centrale du système dénoncé, avait déjà été révoqué de la fonction publique pour tricherie lors d’un concours national.
« Ce n’est pas la première fois qu’il trempe dans ce genre d’affaires. Aujourd’hui, ce sont nos enfants qui en paient le prix », s’indigne un parent.
Les parents exigent des mesures fermes : suspension des enseignants impliqués, réhabilitation des élèves lésés, et poursuites judiciaires à l’encontre des responsables.
« Comment voulez-vous que nos enfants croient encore à l’école, quand on leur apprend que seuls l’argent et le sexe permettent de réussir ? », s’interroge une mère, visiblement bouleversée.
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Photo : Des élèves lésés venus porter leur affaire à la direction communale de l’enseignement à Bubanza, juillet 2025. © SOS Médias Burundi
