Kakuma (Kenya) : des réfugiés fragilisés par une catégorisation jugée brutale, dans un climat d’insécurité croissante

SOS Médias Burundi
Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a récemment procédé à une catégorisation sociale de l’ensemble des réfugiés du camp de Kakuma, au nord-ouest du Kenya. Une démarche qui, selon cette agence onusienne, vise à adapter l’assistance humanitaire au contexte de réduction des financements. Désormais, seuls les réfugiés considérés comme « très vulnérables » continueront à bénéficier de l’aide. Une mesure controversée, vivement contestée par les réfugiés eux-mêmes, qui dénoncent une politique discriminatoire et inhumaine, dans un climat déjà marqué par une insécurité croissante.
Tous les réfugiés du camp sont désormais répartis en quatre catégories. Seules les deux premières, jugées les plus vulnérables, continueront à recevoir une assistance humanitaire régulière, notamment alimentaire. Plus de 70 % des réfugiés, soit l’immense majorité des quelque 200 000 personnes vivant à Kakuma – dont plus de 25 000 Burundais – sont donc appelés à se débrouiller seuls. Le HCR et le gouvernement kényan affirment vouloir encourager l’autonomie, en incitant les réfugiés à lancer de petites activités génératrices de revenus : commerces, agriculture, artisanat… Le Programme alimentaire mondial (PAM), principal partenaire du HCR dans l’aide alimentaire, applique depuis juillet cette nouvelle politique.
Mais sur le terrain, la pilule ne passe pas. Pour les réfugiés, il s’agit d’un abandon déguisé. Beaucoup dénoncent une décision qui précarise davantage des populations déjà vulnérables. Le sentiment de trahison est fort, d’autant que les conséquences se font déjà sentir dans d’autres secteurs vitaux. À l’hôpital du camp, l’approvisionnement en médicaments destinés aux malades chroniques – notamment ceux souffrant du VIH/Sida ou du diabète – a été suspendu. « Le HCR veut infliger la mort à ceux qu’il était censé protéger », accuse un réfugié congolais privé de traitement.
Dans ce contexte de misère et d’incertitude, l’insécurité explose. Mardi dernier, deux réfugiés burundais – un cultivateur et un conducteur de moto – ont été violemment agressés et grièvement blessés par des individus non identifiés, soupçonnés d’être de nationalité soudanaise. Les victimes ont été dépouillées de leurs biens. Le vol dans les ménages et les champs devient monnaie courante, et les tensions entre communautés s’aggravent. Les autorités du camp peinent à contenir cette montée de la violence.
Face à l’angoisse croissante, certains réfugiés, notamment des Burundais et des Congolais, s’inscrivent désormais au programme de retour volontaire. Mais selon plusieurs leaders communautaires, ces départs ne relèvent pas d’un choix libre et éclairé. « Ce n’est pas un rapatriement volontaire, c’est une fuite. Ils rentrent parce qu’ils n’ont plus le choix », déclare un leader burundais.
En parallèle, les agents de sécurité civils, qui appuyaient la police durant les rondes nocturnes, ont suspendu leur travail. En cause : plus de six mois de salaires impayés. Leur absence contribue à l’insécurité ambiante, accentuant le sentiment d’abandon des réfugiés.
Les représentants communautaires demandent au HCR de revoir sa position sur la catégorisation des réfugiés, qu’ils jugent brutale et inadaptée. Ils appellent également le gouvernement kényan à renforcer la sécurité dans le camp et à honorer ses engagements vis-à-vis des agents de sécurité.
À Kakuma, la survie est désormais un combat quotidien. L’avenir des réfugiés devient de plus en plus incertain, dans un environnement où l’aide diminue, la violence augmente et l’espoir s’effrite.
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Photo : Des femmes réfugiées manifestent leur colère face au manque d’eau potable dans le camp de Kakuma, au Kenya. Février 2025. © Fedel Wabenga